porter l’empreinte d’un turbot, et sur les Alpes un brochet pétrifié : on en conclut que la mer et les rivières ont coulé tour à tour sur les montagnes. Il était plus naturel de soupçonner que ces poissons, apportés par un voyageur, s’étant gâtés, furent jetés, et se pétrifièrent dans la suite des temps ; mais cette idée était trop simple et trop peu systématique. On dit qu’on a découvert une ancre de vaisseau sur une montagne de la Suisse : on ne fait pas réflexion qu’on y a souvent transporté à bras de grands fardeaux, et surtout du canon ; qu’on s’est pu servir d’une ancre pour arrêter les fardeaux à quelque fente de rocher ; qu’il est très-vraisemblable qu’on aura pris cette ancre dans les petits ports du lac de Genève ; que peut-être enfin l’histoire de l’ancre est fabuleuse ; et on aime mieux affirmer que c’est l’ancre d’un vaisseau qui fut amarré en Suisse avant le déluge.
La langue d’un chien marin a quelque rapport avec une pierre qu’on nomme glossopètre : c’en est assez pour que les physiciens aient assuré que ces pierres sont autant de langues que les chiens marins laissèrent dans les Apennins du temps de Noé ; que n’ont-ils dit aussi que les coquilles que l’on appelle conques de Vénus sont en effet la chose même dont elles portent le nom ! Les reptiles forment presque toujours une spirale, lorsqu’ils ne sont pas en mouvement ; et il n’est pas surprenant que, quand ils se pétrifient, la pierre prenne la figure informe d’une volute. Il est encore plus naturel qu’il y ait des pierres formées d’elles-mêmes en spirales : les Alpes, les Vosges, en sont pleines. Il a plu aux naturalistes d’appeler ces pierres des cornes d’Ammon. On veut y reconnaître le poisson qu’on nomme nautilus, qu’on n’a jamais vu, et qui était produit, dit-on, dans les mers des Indes. Sans trop examiner si ce poisson pétrifié est un nautilus ou une anguille, on conclut que la mer des Indes a inondé longtemps les montagnes de l’Europe.
On a vu aussi dans des provinces d’Italie, de France, etc., de petits coquillages qu’on assure être originaires de la mer de Syrie. Je ne veux pas contester leur origine ; mais ne pourrait-on pas se souvenir que cette foule innombrable de pèlerins et de croisés, qui porta son argent dans la Terre Sainte, en rapporta des coquilles ? Et aimera-t-on mieux croire que la mer de Joppé et de Sidon est venue couvrir la Bourgogne et le Milanais ?
On pourrait encore se dispenser de croire l’une et l’autre de ces hypothèses, et penser, avec beaucoup de physiciens, que ces coquilles, qu’on croit venues de si loin, sont des fossiles que produit notre terre. On pourrait encore, avec bien plus de vraisem-