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REMARQUES.

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En mensonges ainsi la vanité féconde
Fit ces différents dieux, ces divers plans du monde.
Chaque école autrefois eut sa divinité,
Et le seul dieu commun était la vanité.

Quelquefois, en fuyant l’orgueil et son ivresse,
L’homme est pris aux filets que lui tend sa paresse.
La paresse épaissit dans son lâche repos
L’ombre dont l’ignorance entoura nos berceaux.
Le vrai sur les mortels darde en vain sa lumière,
Le doigt de l’indolence a fermé leur paupière[1].
La paresse jamais n’est féconde en erreurs ;
Mais souvent elle est souple au joug des imposteurs.
L’orgueil, comme un coursier qui part de la barrière,
Fait, sous son pied rapide, étinceler la pierre,
S’écarte de la borne, et, les naseaux ouverts,
Le frein entre les dents, s’emporte en des déserts.
La paresse, au contraire, au milieu de l’arène,
Comme un lâche coursier, sans force, sans haleine,
Marche, tombe, se roule, et, sans le disputer,
Voit le prix, l’abandonne à qui veut l’emporter.
Elle tient à la cour école d’ignorance,
Du trône de l’estime arrache la science,
Et, parée au dehors d’un dédain affecté,
Dans son dépit jaloux prêche l’oisiveté.
Loin des travaux, dit-elle, au sein de la mollesse,
Vivez et soyez tous ignorants par sagesse.
Votre esprit n’est point fait pour pénétrer, pour voir ;
C’est assez s’il apprend qu’il ne peut rien savoir[2].
De ce dogme naquit le subtil pyrrhonisme ;
Son front est entouré des bandeaux du sophisme.
L’astre du vrai, dit-il, ne peut nous éclairer :
Qui s’y veut élever est prêt à s’égarer.
porte la ruine au temple du système,
S’y dresse de ses mains un trophée à lui-même ;
Mais ce nouveau Samson tombe et s’ensevelit
Sous les vastes débris du temple qu’il détruit[3].

Écoutez ce marquis nourri dans la mollesse,
Ivre de pharaon, de vin, et de tendresse,

  1. Vers charmant. (Note de Voltaire.)
  2. Voilà qui est très-bien ; cela est net, précis, et dans le vrai style de l’épître. (Id.)
  3. La moitié de cette page me paraît parfaite. (Id.)