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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/288

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PANÉGYRIQUE DE LOUIS XV.

marine, combattant avec des forces inférieures, ont fait voir qu’ils eussent vaincu s’ils en avaient eu d’égales. Notre commerce a souffert, et n’a jamais été interrompu ; nos grands établissements ont subsisté ; nous avons renversé ceux de nos ennemis aux extrémités de l’Orient. Nous étions partout à craindre, et tout tombait devant nous en Flandre.

Dans ces circonstances heureuses, on vole de la victoire de Laufelt aux bastions de Berg-op-Zoom. On savait que les Requesens, les Parme, les Spinola, ces héros de leur siècle, en avaient tour à tour levé le siége. Louis XIV lui-même, dont l’armée victorieuse se répandit comme un torrent dans quatre provinces de la Hollande, ne voulut pas se commettre à l’assiéger. Cohorn, le Vauban hollandais, en avait fait depuis la place de l’Europe la plus forte. La mer et une armée entière la défendaient : Louis XV en ordonne le siége, et nous la prenons d’assaut. Le guerrier[1] qui avait forcé Oczakow dans la Tartarie déploie ainsi sur cette frontière de la Hollande de nouveaux secrets de l’art de la guerre : secrets au-dessus des règles de l’art. À cette nouvelle conquête, qui répandit tant de consternation chez les ennemis, et qui étonna tant les vainqueurs, l’Europe pense que Louis XV cessera d’être si facile ; qu’il fera éclater enfin cette ambition cachée qu’on redoute, et qu’on justifie en la supposant toujours. Il le faut avouer, les ennemis on fait ce qu’ils ont pu pour la lui inspirer. Ils sont heureux, ils n’ont pas réussi. Il arbore le même olivier sur ces murs écrasés et fumants de sang : il ne propose rien de plus que ce qu’il offrait dans ses premières prospérités.

Cet excès de vertu ne persuade pas encore ; il était trop peu vraisemblable : on ne veut point recevoir la loi de celui qui peut l’imposer ; on tremble, et on s’aigrit : le vaincu est aussi obstiné dans sa haine que le vainqueur est constant dans sa clémence. Qui aurait jamais cru que cette opiniâtreté eût pu se porter jusqu’à chercher des troupes auxiliaires dans ces climats glacés, qui naguère n’étaient connus que nom ? Qui eût pensé que les habitants des bords du Volga et de la mer Caspienne dussent être appelés aux bords de la Meuse ? Ils viennent cependant, et cent mille hommes qui couvrent Mastricht les attendent pour renouveler toutes les horreurs de la guerre. Mais, tandis que les soldats hyperboréens[2] font cette marche si longue et si pénible, le général[3]

  1. Lowendhal. Il prit Berg-op-Zoom le 16 septembre 1747.
  2. C’est-à-dire les Russes.
  3. Le maréchal de Saxe.