le grand goût, et il s’en faut qu’elles soient avantageusement placées ; toutes les autres sont dignes d’un village. Des quartiers immenses demandent des places publiques ; et, tandis que l’arc de triomphe de la porte Saint-Denis et la statue équestre de Henri le Grand, ces deux ponts, ces deux quais superbes, ce Louvre, ces Tuileries, ces Champs-Élysées, égalent ou surpassent les beautés de l’ancienne Rome, le centre de la ville, obscur, resserré, hideux, représente le temps de la plus honteuse barbarie. Nous le disons sans cesse ; mais jusqu’à quand le dirons-nous sans y remédier ?
À qui appartient-il d’embellir la ville, sinon aux habitants qui jouissent dans son sein de tout ce que l’opulence et les plaisirs peuvent prodiguer aux hommes ? On parle d’une place et d’une statue du roi[1] : mais, depuis le temps qu’on en parle, on a bâti une place dans Londres et on a construit un pont sur la Tamise, au milieu même d’une guerre plus funeste et plus ruineuse pour les Anglais que pour nous. Ne pouvant pas avoir la gloire de donner l’exemple, ayons au moins celle d’enchérir sur les exemples qu’on nous donne. Il est temps que ceux qui sont à la tête de la plus opulente capitale de l’Europe la rendent la plus commode et la plus magnifique. Ne serons-nous pas honteux, à la fin, de nous borner à de petits feux d’artifice, vis-à-vis un bâtiment grossier[2], dans une petite place destinée à l’exécution des criminels. Qu’on ose élever son esprit, et on fera ce qu’on voudra. Je ne demande autre chose, sinon qu’on veuille avec fermeté. Il s’agit bien d’une place ! Paris serait encore très-incommode et très-irrégulier quand cette place serait faite ; il faut des marchés publics, des fontaines qui donnent en effet de l’eau, des carrefours réguliers, des salles de spectacle ; il faut élargir les rues étroites et infectes, découvrir les monuments qu’on ne voit point, et en élever qu’on puisse voir.
La bassesse des idées, la crainte encore plus basse d’une dépense nécessaire, viennent combattre ces projets de grandeur que chaque bon citoyen a faits cent fois en lui-même. On se décourage quand on songe à ce qu’il en coûtera pour élever ces grands monuments, dont la plupart deviennent chaque jour indispensables, et qu’il faudra bien faire à la fin, quoi qu’il en coûte ; mais au fond il est bien certain qu’il n’en coûtera rien à l’État. L’argent employé à ces nobles travaux ne sera certaine-