Mais quand on parle devant vous, messieurs, on ne doit pas oublier ce que saint Louis fit pour les sciences. Indigné que les musulmans les cultivassent, et qu’elles fussent négligées dans nos climats ; qu’on y apprît d’eux l’ordre des saisons ; qu’on cherchât chez eux les remèdes du corps, et quelques lumières de l’esprit ; il ralluma, du moins pour un temps, ces flambeaux éteints pendant tant de siècles, et il prépara ainsi à ses descendants la gloire de les fixer chez les Français, en les remettant entre vos mains.
Suppléez, messieurs, à tout ce que je n’ai point dit sur le gouvernement de saint Louis ; mais, faible ministre des autels, destiné à n’annoncer que la paix, pourrai-je parler ici de ses guerres ? Oui : elles ont toutes été justes ou saintes. Ô religion ! c’est là ton plus beau triomphe. Celui qui ne craint que Dieu doit être le plus courageux des hommes.
Si saint Louis n’avait montré qu’un courage ordinaire, c’était assez pour sa gloire : il pouvait vaincre, en se contentant d’animer par sa présence des sujets qui cherchent la mort dès qu’elle est honorée des regards du maître. Mais c’est peu de les inspirer ; il combat toujours pour eux comme ils combattent pour lui ; il donne toujours l’exemple ; il fait à leur vue ce qu’à peine le courage le plus ardent, l’émulation la plus animée leur ferait hasarder à la vue de leur souverain.
La journée de Taillebourg est encore récente dans la mémoire des hommes : cinq cents ans d’intervalle n’en ont pas effacé le souvenir ; et comment l’oublierions-nous, lorsque nous voyons aujourd’hui, dans un descendant de saint Louis, le seul roi qui, depuis ce jour mémorable, ait vaincu en personne les mêmes peuples dont triompha son aïeul immortel ?
Votre imagination se peint ici, sans doute, ce pont[1] devenu si célèbre où Louis, presque seul, arrête l’effort d’une armée. Nos annales contemporaines et fidèles attestent ce prodige ; et, ce qui est encore plus rare, c’est que ce grand roi, hasardant ainsi une vie si précieuse, pensait n’avoir fait que son devoir. Il lui fut donné de faire avec simplicité les choses les plus grandes. Il remporte deux victoires en deux jours ; mais il ne met sa gloire que dans le bien
- ↑ L’auteur veut sans doute parler du pont de Calonne sur l’Escaut ; voyez, tome XV, le chapitre XV du Précis du Siècle de Louis XV.