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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/361

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CARACTÈRES ET PORTRAITS.

« Quand il s’est agi de mettre en œuvre les grandes maximes du gouvernement et d’aller au bien général, malgré les inconvénients particuliers, elle a subi avec une généreuse indifférence les murmures d’une populace aveugle, souvent animée par les calomnies secrètes de gens plus éclairés, qui ne trouvent pas leur avantage dans le bonheur public. Hasardant quelquefois sa propre gloire pour l’intérêt d’un peuple méconnaissant, elle a attendu sa justification du temps ; et, quoique enlevée au commencement de sa course, la pureté de ses intentions, la justesse de ses vues, et la diligence de l’exécution, lui ont procuré l’avantage de laisser une mémoire glorieuse et un regret universel. Pour être plus en état de veiller sur le total du royaume, elle a confié les premiers détails à des ministres sûrs, obligés de choisir des subalternes qui en choisiraient encore d’autres dont elle ne pouvait plus répondre elle-même, soit par l’éloignement, soit par le nombre. Ainsi, j’oserai le dire devant nos juges et devant ses sujets qui m’entendent, si, dans un peuple innombrable tel que l’on connaît celui de Memphis et des cinq mille villes de la dynastie, il s’est trouvé, contre son intention, quelqu’un d’opprimé, non-seulement la reine est excusable par l’impossibilité de pourvoir à tout, mais elle est digne de louange en ce que, connaissant les bornes de l’esprit humain, elle ne s’est point écartée du centre des affaires publiques, et qu’elle a réservé toute son attention pour les premières causes et pour les premiers mouvements. Malheur aux princes dont quelques particuliers se louent quand le public a lieu de se plaindre ! mais les particuliers mêmes qui soutirent n’ont pas droit de condamner le prince quand le corps de l’État est sain, et que les principes du gouvernement sont salutaires. Cependant, quelque irréprochable que la reine nous ait paru à l’égard des hommes, elle n’attend, par rapport à vous, ô justes dieux ! son repos et son bonheur que de votre clémence. »

Comparez ce morceau au portrait que fait Bossuet de Marie-Thérèse, reine de France, vous serez étonné de voir combien le grand maître d’éloquence est alors au-dessous de l’abbé Terrasson, qui ne passera pourtant jamais pour un auteur classique.

portrait de marie-thérèse.

« Dieu l’a élevée au faîte des grandeurs humaines, afin de rendre la pureté et la perpétuelle régularité de sa vie plus éclatantes et plus exemplaires ; ainsi sa vie et sa mort, également