mensonge s’il n’avait beaucoup de parents dans l’épée et dans la robe, qui s’intéresseront peut-être davantage à l’honneur d’une famille outragée, laquelle a été longtemps dans la judicature en province, et qui n’a exercé aucun de ces emplois que la vanité appelle bas et humiliants. Nous remarquerons seulement ici qu’il faut que la haine aveugle étrangement un ennemi pour le porter jusqu’à imaginer une si frivole accusation contre un homme de lettres qu’un tel reproche (s’il était vrai) ne pourrait jamais humilier. Nous espérons que ceux qui font tant de recueils d’anecdotes, qui compilent la vie des gens de lettres, qui écrivent dans toute l’Europe tant de nouvelles, qui même transmettent à la postérité tant de faits hasardés, jugeront au moins de toutes les calomnies du sieur Desfontaines par ce trait qui caractérise si bien la satire aveugle et impuissante. Mais en voici un autre dont peut-être il n’y a point d’exemple.
Il est triste qu’on ait imprimé une lettre écrite, il y a environ deux ans, par M. de Voltaire à M. Maffei[1]. L’importunité de quelques amis lui avait arraché cette lettre, dictée par la vérité et par la nécessité d’une défense légitime. La lettre exposait naïvement un fait connu de tout Paris et de toute l’Europe littéraire. Ce fait est que le sieur abbé Desfontaines, enfermé dans une maison de force après l’avoir été au Châtelet, et prêt de succomber sous un procès criminel qui devait se terminer d’une façon bien terrible, n’eut recours qu’au sieur de Voltaire, qu’il connaissait à peine. Le sieur de Voltaire était assez heureux alors pour avoir des amis très-puissants : il fut le seul qui s’employa pour lui, et, à force de soins, il obtint son élargissement de Bicêtre et la discontinuation d’un procès où il s’agissait de la vie. Cette lettre ajoute à ce fait si connu que, vers ce temps-là même, le sieur Desfontaines, retiré chez le président de Bernières, à la seule sollicitation de celui qui l’avait sauvé, fit pour récompense un libelle contre son bienfaiteur : nous avouons que la chose est horrible, mais elle est vraie. Ce libelle était intitulé Apologie du sieur de Voltaire ; oui, il fit imprimer à Rouen cette apologie ironique et sanglante ; oui, il eut la hardiesse de la montrer imprimée au sieur Thieriot, qui la jeta dans les flammes.
Nous n’avançons rien ici que nous n’allions prouver tout à l’heure, papiers originaux en main ; mais nous protestons d’abord que ce n’est qu’au bout de près de dix années d’insultes, de libelles, de lettres anonymes ; que ce n’est, dis-je, qu’après dix ans
- ↑ Voyez la note sur le no XXVII du Préservatif, tome XXII, page 386.