Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
MÉMOIRE DU SIEUR DE VOLTAIRE.

j’ai fait et ce que je n’ai point fait ; reprochez-moi de m’être conduit avec trop d’honneur, avec trop de fermeté, dans une affaire où le gouvernement s’interposa ; accusez-moi d’avoir fait par vanité des libéralités (Dieu m’est témoin si elles sont parties d’un autre principe que de l’humanité) ; faites entendre que le roi m’a privé de la pension dont il m’honore, que je n’ose revenir à Paris ; imaginez des querelles qui n’ont jamais existé ; mentez hardiment ; détruisez-moi si vous pouvez, mais laissez-moi mon ami.

Mais, quoi ! l’abbé Desfontaines ne voit-il pas qu’il outrage plus le sieur Thieriot, en le louant, qu’il ne l’offensait autrefois en le traitant si indignement dans son Dictionnaire néologique, où il l’appelle colporteur, et où il le charge d’injures ? Satirique malheureux, et plus malheureux flatteur, avez-vous pensé que l’affront d’être loué par vous pût jamais le porter à cet excès de bassesse, de trahir la vérité, l’amitié, l’honneur ? eh ! pour qui ? pour vous, auteur de libelles qui le déchirent.

Après tant d’iniquités, il n’y en a point de si punissable que celle d’oser parler de votre modération, et des égards qu’on doit à votre âge et à votre prêtrise. Quelle modération ! le public la connaît. Votre âge et votre sacerdoce[1], qui exigent de vous plus de pureté et de vertu, sont en effet respectables ; mais ce sont de respectables témoins qui vous reprochent devant Dieu et devant les hommes des crimes que la nature abhorre : je parle de la calomnie et de l’ingratitude.

Certes, lorsque le sieur de Voltaire, attaqué pour lors de la fièvre, et ranimé par le plaisir de secourir un malheureux, obtint la permission d’aller à cette prison, y courut porter au coupable les premières consolations ; quand l’abbé Desfontaines se jeta à ses pieds, qu’il les mouilla de larmes, et que le sieur de Voltaire ne put retenir les siennes, il ne s’attendait pas alors qu’un jour l’abbé Desfontaines deviendrait son plus implacable ennemi.

En fut-il jamais un plus acharné ? Les plus cruels se contentent d’ordinaire de leurs propres fureurs ; l’abbé Desfontaines y joint toutes celles qu’il peut ramasser. Il fait trophée de je ne sais quel malheureux libelle, aussi inconnu qu’absurde et calomnieux, qu’il attribue au sieur de Saint-Hyacinthe[2]. Vous prétendez de

  1. Quoique vivant à Paris, Desfontaines était resté curé de Thorigny-sur-Vire. (G. A.)
  2. La Déification du docteur Aristarchus Masso, libelle contre Voltaire, inconnu jusqu’alors de celui-ci, et que Desfontaines avait reproduit dans sa Voltairomanie. Voyez la Correspondance à cette époque, et les Conseils à un journaliste, tome XXII, page 241.