assassiner son premier ministre. Il souffrit que le cardinal de Richelieu, plus cruel que lui, fît couler le sang sur les échafauds.
Le cardinal Mazarin, dans les mêmes circonstances, ne fit périr personne. Étranger qu’il était, il n’eût pu se soutenir par la cruauté. Il était fourbe, et non méchant. Si Richelieu n’eût pas eu de factions à combattre, il eût mis le royaume au plus haut point de splendeur, parce que sa cruauté, qui tenait à la hauteur de son caractère, n’ayant pas de quoi s’exercer, eût laissé agir la noblesse de son génie dans toute son étendue.
Dans un livre[1] rempli d’idées profondes et de saillies ingénieuses, on a compté le despotisme parmi les formes naturelles de gouvernement. L’auteur, qui est fort bon plaisant[2], a voulu railler.
Il n’y a point d’État despotique par sa nature. Il n’y a point de pays où une nation ait dit à un homme : « Sire, nous donnons à Votre gracieuse Majesté le pouvoir de prendre nos femmes, nos enfants, nos biens et nos vies, et de nous faire empaler selon votre bon plaisir et votre adorable caprice. »
Le Grand Seigneur jure sur l’Alcoran d’observer les lois. Il ne peut faire mourir personne sans un arrêt du divan et un fetfa du muphti. Il est si peu despotique qu’il ne peut ni changer le prix des monnaies, ni casser les janissaires. Il est faux qu’il soit le maître du bien de ses sujets. Il donne des terres qu’on appelle des timariots, comme on donnait anciennement des fiefs.
Le despotisme est l’abus de la royauté, comme l’anarchie est l’abus de la république. Un prince qui, sans forme de justice et sans justice, emprisonne ou fait périr des citoyens, est un voleur de grand chemin qu’on appelle Votre Majesté[3].
Un auteur moderne[4] a dit qu’il y a plus de vertu dans les républiques et plus d’honneur dans les monarchies.
L’honneur est le désir d’être honoré ; avoir de l’honneur, c’est