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MÉMOIRE DU SIEUR DE VOLTAIRE.

freindre l’un de ces devoirs, c’est vouloir lui ôter tous les droits de l’humanité ; c’est vouloir le dépouiller d’une partie de son être ; c’est un assassinat qui se commet avec la plume. Les hommes de tous les temps et de tous les lieux s’accordent à flétrir d’une exécration éternelle ces délateurs qui répandent l’accusation d’irréligion ; ces meurtriers qui prennent le couteau sur l’autel pour égorger impunément l’innocence : monstres d’autant plus à craindre qu’ils ont souvent mis dans leur parti la vertu même. Votre dessein est donc de perdre le sieur de Voltaire par cette accusation affreuse d’irréligion et d’athéisme, que vous répétez sans cesse ; c’est là ce dont il se plaignait si justement dans sa préface d’Alzire ; c’est là ce qu’il appelle la dernière ressource des calomniateurs. Eh bien ! connaissez celui que vous voulez perdre, et lisez la lettre suivante[1].

Après ce témoignage authentique des sentiments d’un homme sans ambition, sans brigue, qui n’a jamais sollicité la moindre place, dont tous les jours languissants et accablés de maladies sont sacrifiés à l’étude, qui ne demande rien, qui ne veut rien, sinon la retraite et la paix, lui envierez-vous cette paix consacrée au travail ? chercherez-vous à troubler sa vie, vous qui, après tout, lui devez la vôtre ?

Ce Mémoire, composé à la hâte par un homme qui n’a que la vérité pour éloquence, et son innocence pour protection, apprendra du moins à la calomnie à trembler. Son véritable supplice est d’être réfutée ; et, s’il n’y a point parmi nous de loi contre l’ingratitude, il y en a une gravée dans tous les cœurs, qui venge le bienfaiteur outragé, et punit l’ingrat qui persécute.

Voltaire.
À Cirey, ce 6 février 1739.
FIN DU MÉMOIRE DU SIEUR DE VOLTAIRE.
  1. Cette lettre est celle au P. Tournemine, qu’on trouvera dans la Correspondance, fin de décembre 1738.