Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

202 APPEL A TOUTES LES NATIONS

Dieux justes, s'il en esl, éclairez mon courage.

Faut-il vieillir courbé sous la main qui m'outrage,

Supporter ou finir mon malheur et mon sort?

Qui suis-je? qui m'arrête? et qu'est-ce que la mort?

C'est la fin de nos maux, c'est mon unique asile ;

Après de longs transports, c'est un sommeil tranquille.

On s'endort, et tout meurt. Mais un affreux réveil

Doit succéder peut-être aux douceurs du sommeil.

On nous menace, on dit que cette courte vie

De tourments éternels est aussitôt suivie.

mort! moment fatal! Affreuse éternité ! *

Tout cœur à ton seul nom se glace épouvanté.

Eh ! qui pourrait, sans toi, supporter cette vie ;

De nos fourbes puissants bénir l'hypocrisie ;

D'une indigne maîtresse encenser les erreurs ;

Ramper sous un ministre, adorer ses hauteurs ;

Et montrer les langueurs de son àme abattue

A des amis ingrats, qui détournent la vue?

La mort serait trop douce en ces extrémités;

Mais le scrupule parle, et nous crie: Arrêtez.

11 défend à nos mains cet heureux homicide.

Et d'un héros guerrier fait un chrétien timide, etc.

Après ce morceau de poésie, les lecteurs sont priés de jeter les yeux sur la traduction littérale :

Être ou n'être pas, c'est là la question,

S'il est plus noble dans l'esprit de souffrir

Les piqûres et les flèches de l'affreuse fortune.

Ou de prendre les armes contre une mer de trouble.

Et en s'opposant à eux, les finir? Mourir, dormir.

Rien de plus ; et par ce sommeil, dire: Nous terminons

Les peines du cœur, et dix mille chocs naturels

Dont la chair est héritière; c'est une consommation

Ardemment désirable. Mourir, dormir:

Dormir! peut-être rêver! Ah! voilà le mal.

Car. dans ce sommeil de la mort, quels rêves aura-t-on.

Quand on a dépouillé cette enveloppe mortelle?

C'est là ce qui fait penser : c'est là la raison

Qui donne à la calamité une vie si longue.

Car qui voudrait supporter les coups, et les injures du temps.

Les torts de l'oppresseur, les dédains de l'orgueilleux.

Les angoisses d'un amour méprisé, les délais do la justice,

L'insolence des grandes places, et les rebuts

Que le mérite patient essuie de l'homme indigne?

�� �