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212 APPEL A TOUTES LES NATIONS

et polis ; de là ces fêtes juives, ces danses des prêtres devant l'arche, ces trompettes, ces hymnes, et tant d'autres cérémonies entièrement égyptiennes.

Il y a bien plus, les véritablement grandes tragédies, les représentations imposantes et terribles, étaient les mystères sacrés qu'on célébrait dans les plus vastes temples du monde, en pré- sence des seuls initiés : c'était là que les habits , les décorations , les machines, étaient propres au sujet; et le sujet était la vie pré- sente et la vie future.

C'était d'abord un grand chœur, à la tête duquel était l'hiéro- phante : « Préparez-vous, s'écriait-il, à voir par les yeux de l'âme l'arbitre de l'univers. Il est unique, il existe seul par lui-même, et tous les êtres doivent à lui seul leur existence ; il étend partout son pouvoir et ses œuvres; il voit tout, et ne peut être vu des mortels.

Le chœur répétait cette strophe ; ensuite on gardait quelque temps le silence ; c'était là un vrai prologue. La pièce com- mençait par une nuit répandue sur le théâtre; des acteurs paraissaient à la faible lueur d'une lampe ; ils erraient sur des montagnes et descendaient dans des abîmes. Ils se heurtaient, ils marchaient comme égarés. Leurs discours, leurs gestes, expri- maient l'incertitude des démarches des hommes, et toutes les erreurs de notre vie. La scène changeait, les enfers paraissaient dans toute leur horreur, les criminels avouaient leurs fautes et attestaient la vengeance céleste^ Enfin on voyait les champs Ély- siens, la demeure des justes. Ils chantaient la bonté de Dieu, d'un seul Dieu, créateur du monde ; ils enseignaient aux assis- tants tous leurs devoirs. C'est ainsi- que Stobée parle dans ces

��1. En faisant réimprimer cet opuscule, en 176-4, à la suite des Contes de Guil- laume Vadé, Voltaire ajouta ce qui suit :

« C'est ce que Virgile développe admirablement dans son sixième livre de l'Enéide , qui n'est autre chose qu'une description des mystères ; et c'est ce qui montre qu'il n'a pas tant de torts de mettre ces paroles dans la bouche de Phlégias : Soyez justes, mortels, et ne craignez qu'un Dieu. Ce fou de Scarrou se trompe donc quand il dit :

Cotto sentence est bonne ot belle, Mais en enfer de quoi sert-oUe?

Elle servait aux spectateurs. Enfin on voyait, etc. »

— Voltaire a, depuis (dans ses Questions sur l'Encyclopédie, sixième partie, publiée en 1771), démenti ce qu'il dit ici du sixième livre de l'Enéide; voyez tome XIX, page 467.

2. Feu Decroix, dans Verrata manuscrit qu'il m'a donné, propose de mettre :

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