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306 EXTRAIT DES SENTIMENTS

même plus rusé que l'homme ; d'une ûnesse qui parlait, et qui reprenait sou maître de ce qu'il la maltraitait mal à propos; d'un déluge universel, et d'une arclie où des animaux de toute espèce étaient renfermés; de la confusion des langues et de la division des nations, sans parler de quantité d'autres vains récits particu- liers sur des sujets bas et frivoles, et que des auteurs graves mépriseraient de rapporter. Toutes ces narrations n'ont pas moins l'air de fables que celles que l'on a inventées sur l'industrie de Prométliée, sur la boîte de Pandore, ou sur la guerre des géants contre les dieux, et autres semblables que les poètes ont inven- tées pour amuser les hommes de leur temps.

D'un autre côté, on n'y verra qu'un mélange de quantité de lois et d'ordonnances, ou de pratiques superstitieuses, touchant les sacrifices, les purifications de l'ancienne loi, le vain discerne- ment des animaux, dont elle suppose les uns purs et les autres impurs. Ces lois ne sont pas plus respectables que celles des nations les plus idolâtres.

On n'y verra encore que de simples histoires, vraies ou fausses, de plusieurs rois, de plusieurs princes ou particuliers qui auront bien ou mal vécu, ou qui auront fait quelques belles ou mau- vaises actions, parmi d'autres actions basses et frivoles qui y sont rapportées aussi.

Pour faire tout cela, il est visible qu'il ne fallait pas avoir un grand génie, ni avoir des révélations divines. Ce n'est pas faire honneur à un Dieu.

Enfin on ne voit, dans ces livres, que les discours, la con- duite et les actions de ces renommés prophètes qui se disaient être tout particulièrement inspirés de Dieu, Ou verra leur ma- nière d'agir et de parler, leurs songes, leurs illusions, leurs rêve- ries; et il sera facile de juger qu'ils ressemblaient beaucoup plus â des visionnaires et à des fanatiques qu'à des personnes sages et éclairées.

Il y a cependant dans quelques-uns de ces livres plusieurs bons enseignements et de belles maximes de morale, comme dans les Proverbes attribués à Salomon, dans le livre de la Sagesse et de ÏEcdésiasiiquc; mais ce même Salomon, le plus sage de leurs écrivains, est aussi le plus incrédule. Il doute même de l'immor- talité de l'ûme, et il conclut ses ouvrages par dire qu'il n'y a rien de bon ({ue de jouir en paix de son labeur, et de vivre avec ce que l'on aime'.

■1. Ecdésktsle, m, 10-20; ix, r.-C; in, 0.

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