Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/317

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D’ailleurs, combien les auteurs qu’on nomme profanes, Xénophon, Platon, Cicéron, l’empereur Antonin, l’empereur Julien, Virgile, etc., sont-ils au-dessus de ces livres qu’on nous dit inspirés de Dieu ! Je crois pouvoir dire que quand il n’y aurait, par exemple, que les Fables d’Ésope, elles sont certainement beaucoup plus ingénieuses et plus instructives que ne le sont toutes ces grossières et basses paraboles qui sont rapportées dans les Évangiles.

Mais ce qui fait encore voir que ces sortes de livres ne peuvent venir d’aucune inspiration divine, c’est qu’outre la bassesse et la grossièreté du style, et le défaut d’ordre dans la narration des faits particuliers qui y sont très-mal circonstanciés, on ne voit point que les auteurs s’accordent; ils se contredisent en plusieurs choses ; ils n’avaient pas même assez de lumières et de talents naturels pour bien rédiger une histoire.

Voici quelques exemples des contradictions qui se trouvent entre eux. L’évangéliste Matthieu^ fait descendre Jésus-Christ du roi David par son fils Salomon, jusqu’à Joseph, père au moins putatif de Jésus-Christ ; et Luc- le fait descendre du même David par son fils Nathan jusqu’à Joseph.

Matthieu dit, parlant de Jésus \ que le bruit s’étant répandu dans Jérusalem qu’il était né un nouveau roi des Juifs, et que les mages étant venus le chercher pour l’adorer, le roi Hérode, craignant que ce prétendu roi nouveau-né lui ôtàt quelque jour la couronne, fit égorger tous les enfants nouvellement nés depuis deux ans, dans tous les environs de Bethléem, où on lui avait dit que ce nouveau roi devait naître, et que Joseph et la mère de Jésus ayant été avertis en songe, par un ange, de ce mauvais dessein, ils s’enfuirent incontinent en Egypte, où ils demeurèrent jusqu’à la mort d’Hérode, qui n’arriva que plusieurs années après.

Au contraire, Luc^ marque que Joseph et la mère de Jésus demeurèrent paisiblement durant six semaines dans l’endroit où leur enfant Jésus fut né ; qu’il y fut circoncis suivant la loi des Juifs, huit jours après sa naissance, et que lorsque le temps prescrit par cette loi pour la purification de sa mère fut arrivé, elle et Joseph son mari le portèrent à Jérusalem pour le pré-

1. Chapitre i", verset 1".

2. m, 31 ; voyez dans le Dictionnaire philosophique, à l’article Contradictions, tome XVIII, pages 261 et suiv.

3. II, 1-17.

4. II, -21-41.