Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/33

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thèse, et qui l’approuvèrent toujours. Voilà la troupe des déistes ! s’écria l’insensé Gaillande, On l’obligea à demander pardon, en pleine assemblée, de ces paroles, qui auraient dû le faire exclure. Mais on avait eu soin de faire venir plus de cent moines qui n’avaient jamais lu la thèse, et qui opinaient contre elle de toutes leurs forces.

Pendant ces rumeurs, l’abbé de Prades demandait d’être admis et entendu. Cinquante docteurs furent d’avis de l’entendre en ses défenses, attendu que cela est de droit commun ; mais la foule des moines envoyés par l’évêque de Mirepoix et par les jésuites fit passer l’avis contraire, ce qui n’est pas sans exemple. Il court alors chez l’évêque de Mirepoix : il lui offre de se rétracter s’il s’est servi d’expressions qui puissent souffrir un sens odieux. C’est assurément la démarche de l’innocence. L’évêque de Mirepoix lui promet sa grâce, en cas qu’il dise que ce sont les auteurs de l’Encyclopédie qui ont fait sa thèse.

L’abbé de Prades répondit à l’évêque de Mirepoix : « Comment voulez-vous que je me rende coupable d’une imposture si lâche ? Il y a huit ans que j’étudie la théologie. Ma thèse, vous le savez, n’est que le précis d’un ouvrage que j’ai fait en faveur de la religion chrétienne : les auteurs de l’Encydopèdie ne savent point la théologie ; ils n’ont vu ni mon ouvrage ni ma thèse : pouvez-vous vous livrer à la fureur de leurs ennemis au point de me proposer, sans rougir, la manœuvre indigne que vous exigez ? » Que répond Mirepoix à ces paroles ? Il répond par la menace d’une lettre de cachet. Il envoie ensuite des émissaires chez l’abbé de Prades pour lui conseiller de s’enfuir. Enfin il ose demander au roi une lettre de cachet contre lui ; mais comment s’y prend-il pour l’obtenir ? par une calomnie horrible. Il fait entendre au roi que l’abbé de Prades a soutenu en Sorbonne une autre thèse que celle qui avait été approuvée. Les lettres que l’abbé de Prades avait écrites à l’ancien évêque de Mirepoix et à l’archevêque de Paris firent ouvrir les yeux à toute la cour ; on fut surpris, en les lisant, d’apprendre que la thèse qui faisait tant de bruit était la même que celle qui avait été approuvée en Sorbonne, et soutenue dix heures de suite en sa présence. On fut indigné en même temps qu’on eût osé porter la calomnie jusqu’à vouloir persuader au roi que l’abbé de Prades avait substitué une mauvaise thèse à celle qui avait été approuvée. Le roi, instruit de la vérité, fit perdre à l’ancien évêque de Mirepoix le pouvoir d’immoler ce jeune homme en abusant de son autorité. Ainsi, par cet odieux artifice, si ces lettres n’avaient point été envoyées à la cour, un théatin