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332 EXTRAIT DES SENTI5IENTS

qui n'est point dans la seconde ni dans la troisième personne. Ainsi ces deux personnes manquant d'une perfection et d'une puissance qui se trouvent dans la première, elles ne seraient certainement pas égales entre elles; si au contraire ils disent que cette puissance d'engendrer un fils n'est pas une perfection, ils ne devraient donc pas l'attribuer à la première personne non plus qu'aux deux autres, parce qu'il ne faut attribuer que des perfections à un Être qui serait souverainement parfait.

D'ailleurs ils n'oseraient dire que la puissance d'engendrer une divine personne ne soit pas une perfection ; et s'ils disent que cette première personne aurait bien pu engendrer plusieurs fils et plusieurs filles, mais qu'elle n'aurait voulu engendrer que ce seul fils, et que les deux autres personnes pareillement n'en auraient point voulu engendrer d'autres, on pourrait: 1° leur de- mander d'où ils savent que cela est [ainsi, car on ne voit point, dans leurs prétendues Écritures saintes, qu'aucune de ces divines personnes se soit positivement déclarée là-dessus. Comment donc nos cliristicoles peuvent-ils savoir ce qui en est? Ils n'en par- lent donc que suivant leurs idées et leurs imaginations creuses ; 2° on pourrait dire que si ces prétendues divines personnes avaient la puissance d'engendrer plusieurs enfants, et qu'elles n'en voulussent cependant rien faire, il s'ensuivrait que cette di- vine puissance demeurerait en elles sans effet. Elle serait tout à fait sans effet dans la troisième personne, qui n'en engendrerait et n'en produirait aucune, et elle serait presque sans effet dans les deux autres, puisqu'elles voudraient la borner à si peu. Ainsi cette puissance qu'elles auraient d'engendrer et de produire quantité d'enfants demeurerait en elles comme oisive et inutile, ce qu'il ne serait nullement convenable de dire de divines per- sonnes.

Nos christicoles blâment et condamnent les païens de ce qu'ils attribuaient la divinité à des bommes mortels, et de ce qu'ils les adoraient comme des dieux après leur mort : ils ont raison en cela; mais ces païens ne faisaient que ce que font encore nos christicoles, qui attribuent la divinité à leur Christ, en sorte qu'ils devraient eux-mêmes se condamner aussi , puisqu'ils sont dans la même erreur que ces païens, et qu'ils adorent un homme qui était mortel, et si bien mortel qu'il mourut honteusement sur une croix,

11 ne servirait de rien h nos christicoles de dire qu'il y aurait une grande différence entre leur Jésus-Christ et les dieux des païens, sous prétexte que leur Christ serait, comme ils disent,

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