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348 ÉLOGE

Un songe

Qui finit par un coup de tonnerre?

Ce sont de grands mots qui étourdissent les oreilles. « Les songes de la nuit qui ne se dissipent que par le jour qui les suit sont d'infortunés présages qui asservissentson âme à de tristes images. » Tout cela n'est ni bien écrit ni bien pensé.

On y voit une foule d'expressions vagues, rebattues, et sans objet déterminé, comme,

Athène éprouvera le sort le plus funeste. ( I, m.)

Au milieu des horreurs du sort le plus funeste. ( Ibid.)

Pour venger l'affront le plus funeste. ( /i/rf.)

Allez, que votre bras à l'Attique funeste. (L iv.)

Ne comptez- vous pour rien un amour si funeste? ( L vu.)

Quoi ! tu peux l'arrêter dans ce séjour funeste ! ( II, ii.)

Tes soupçons et ta haine funeste. (Il, v.)

Puis-je encor m'étonner d'une ardeur si funeste? flll, i.) Ce billet seul contient un regret si funeste. (IV, v.) Dans un jour si funeste. ( Ibid.)

Cette rime oiseuse tant de fois répétée n'est pas la seule qui fatigue les oreilles délicates. Il y a trop de rimes en épithètes. En général, la pièce est écrite avec dureté. Les vers sont sans har- monie, la versification négligée comme la langue. La plupart de nos auteurs tragiques n'ont pas su toujours bien écrire, et faire dire aux personnages ce qu'ils devaient dire. Il est vrai que tous ces devoirs sont très-difficiles à remplir. Pour faire une tragédie en vers, il faut savoir faire des vers, il faut posséder parfaitement sa langue, ne se servir jamais que du mot propre, n'être ni am- poulé, ni faible, ni commun, ni trop singulier. Je ne parle ici que du style. Les autres conditions sont encore plus nécessaires et plus difficiles. Nous n'avons aucune tragédie parfaite, et peut- être n'est-il pas possible que l'esprit humain en produise jamais. L'art est trop vaste, les bornes du génie trop étroites, les règles trop gênantes, la langue trop stérile, et les rimes en trop petit nombre. C'est bien assez qu'il y ait dans une tragédie des beautés qui fassent pardonner les défauts.

ELECTRE.

Electre, jouée en 1708, eut autant de représentations qxHAtvèe; mais elle eut l'avantage de rester plus longtemps au théâtre. Le

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