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DE DONAT CALAS. 391

à ses juges, et les plaindre; ils souhaitèrent enfin de mourir un jour avec des sentiments de piété aussi touchants.

Les juges furent ohligés bientôt après d'élargir ma mère, le jeune Lavaisse et la servante; ils bannirent mon frère Pierre; et j'ai toujours dit avec le public : Pourquoi le bannir s'il est inno- cent, et pourquoi se borner au bannissement s'il est coupable ?

J'ai toujours demandé pourquoi, ayant été conduit hors de la ville par une porte, on le laissa ou on le fit rentrer sur-le-champ par une autre; pourquoi il fut enfermé trois mois dans un cou- vent de dominicains. Voulait-on le convertir au lieu de le bannir ? Mettait-on son rappel au prix de son changement ? Punissait-on, faisait-on grâce arbitrairement ? Et le supplice afl"reux de son père était-il un moyen de persuasion ?

Ma mère, après cette horrible catastrophe, a eu le courage d'abandonner sa dot et son bien ; elle est allée à Paris, sans autre secours que sa vertu, implorer la justice du roi : elle ose espérer que le conseil de Sa Majesté se fera représenter la procédure faite à Toulouse. Qui sait même si les juges, touchés de la conduite généreuse de ma mère, n'en verront pas plus évidemment l'inno- cence, déjà entrevue, de celui qu'ils ont condamné? A'aperce- vront-ils pas qu'une femme sans appui n'oserait assurément demander la révision du procès si son mari était criminel ? Aurait- elle fait deux cents lieues pour aller chercher la mort qu'elle mériterait ? cela n'est pas plus dans la nature humaine que le crime dont mon père a été accusé. Car, je le dis encore avec hor- reur ^ si mon père a été coupable de ce parricide, ma mère et mon frère Pierre Calas le sont aussi ; Lavaisse et la servante ont eu, sans doute, part au crime. Ma mère aurait-elle entrepris ce voyage pour les exposer tous au supplice, et s'y exposer elle- même?

Je déclare que je pense comme elle, que je me soumets à la mort comme elle, si mon père a commis, contre Dieu, la nature, l'État, et la religion, le crime qu'on lui a imputé.

Je me joins donc à cette vertueuse mère par cet acte légal ou noti, mais public et signé de moi. Les avocats qui prendront sa défense pourront mettre au jour les nullités de la procédure : c'est à eux qu'il appartient de montrer que Lavaisse et la servante, quoique accusés, étaient des témoins nécessaires, qui déposaient invinciblement en faveur de mon père. Ils exposeront la néces- sité où les juges ont été réduits de supposer qu'un vieillard de

1. Voyez page 372.

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