Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/425

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il n’y a eu que de la lâcheté dans ceux qui les ont trompés. On hait la valeur des conquérants, mais on l’estime ; on hait la fourberie, et on la méprise. La haine jointe au mépris fait secouer tous les jougs possibles.

IX.

Quand nous avons détruit dans notre ville une partie des superstitions papistes, comme l’adoration des cadavres, la taxe des péchés[1], l’outrage fait à Dieu de remettre pour de l’argent les peines dont Dieu menace les crimes, et tant d’autres inventions qui abrutissaient la nature humaine ; lorsqu’en brisant le joug de ces erreurs monstrueuses, nous avons renvoyé l’évêque papiste[2] qui osait se dire notre souverain, nous n’avons fait que rentrer dans les droits de la raison et de la liberté dont on nous avait dépouillés.

X.

Nous avons repris le gouvernement municipal, tel à peu près qu’il était sous les Romains, et il a été illustré et affermi par cette liberté achetée de notre sang. Nous n’avons point connu cette distinction odieuse et humiliante de nobles et de roturiers, qui dans son origine ne signifie que seigneurs et esclaves. Nés tous égaux, nous sommes demeurés tels ; et nous avons donné les dignités, c’est-à-dire les fardeaux publics, à ceux qui nous ont paru les plus propres à les soutenir.

XI.

Nous avons institué des prêtres afin qu’ils fussent uniquement ce qu’ils doivent être, des précepteurs de morale pour nos enfants. Ces précepteurs doivent être payés et considérés ; mais ils ne doivent prétendre ni juridiction, ni inspection, ni honneurs ; ils ne doivent en aucun cas s’égaler à la magistrature. Une assemblée ecclésiastique qui présumerait de faire mettre à genoux un citoyen devant elle jouerait le rôle d’un pédant qui corrige des enfants, ou d’un tyran qui punit des esclaves.

XII.

C’est insulter la raison et les lois de prononcer ces mots : gouvernement civil et ecclésiastique. Il faut dire gouvernement civil et règlements ecclésiastiques ; et aucun de ces règlements ne doit être fait que par la puissance civile.

  1. Voyez l’article Taxe, tome XX, page 484.
  2. Pierre de La Baume, évêque de Genève, en fut expulsé en 1534.