Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/432

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à Brescia, et dans beaucoup d’autres villes, des seigneurs titrés, de la plus ancienne noblesse, dont plusieurs ont commandé les armées.

Tant d’ignorance, jointe avec tant de présomption, indigne tout homme instruit. Lorsque cette ignorance présomptueuse traite avec tant d’outrages des nobles vénitiens, on demande quel est le potentat qui s’est oublié ainsi ? Quand on sait enfin quel est l’auteur de ces inepties, on se contente de rire.

XXXVI.

« Ceux qui parviennent dans les monarchies ne sont le plus souvent que de petits brouillons, de petits fripons, de petits intrigants, à qui les petits talents, qui font dans les cours parvenir aux grandes places, ne servent qu’à montrer au public leur ineptie aussitôt qu’ils y sont parvenus[1]. »

Cet amas indécent de petites antithèses cyniques ne convient nullement à un livre sur le gouvernement, qui doit être écrit avec la dignité de la sagesse. Quand un homme, quel qu’il soit, présume assez de lui-même pour donner des leçons sur l’administration publique, il doit paraître prudent et impartial, comme les lois mêmes qu’il fait parler.

Nous avouons avec douleur que, dans les républiques comme dans les monarchies, l’intrigue fait parvenir aux charges. Il y a eu des Verrès, des Milon, des Clodius, des Lépide, à Rome ; mais nous sommes forcés de convenir qu’aucune république moderne ne peut se vanter d’avoir produit des ministres tels que les Oxenstiern, les Sully, les Colbert, et les grands hommes qui ont été choisis par Elisabeth d’Angleterre. N’insultons ni les monarchies ni les républiques.

XXXVII.

« Le czar Pierre n’avait pas le vrai génie, celui qui crée et fait tout de rien. Quelques-unes des choses qu’il fit étaient bien ; la plupart étaient déplacées… Les Tartares ses sujets ou ses voisins deviendront ses maîtres et les nôtres ; cette révolution me paraît infaillible[2]. »

Il lui paraît infaillible que de misérables hordes de Tartares, qui sont dans le dernier abaissement, subjugueront incessam-

  1. Livre III, chap. vi.
  2. Livre II, chapitre viii. Voltaire est revenu sur ce passage ; voyez tome XX, page 218.