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LETTRE DE M. FORMEY.

publiquement contre moi à Paris, dans la dernière assemblée du clergé. Le député de la province de Champagne dit à l’oreille du député de la province de Languedoc, que l’ennui et mes ouvrages étaient au rang des compossibles. Cette horreur a été répétée dans vingt-sept journaux. J’ai déjà répondu à cette calomnie abominable, dans ma Bibliothèque germanique, d’une manière victorieuse.

Je distingue trois sortes d’ennuis : 1° l’ennui qui est fondé dans le caractère du lecteur, qu’on ne peut ni amuser ni persuader ; 2° l’ennui qui vient du caractère de l’auteur, et cela se subdivise en quarante-huit sortes ; 3° l’ennui provenant de l’ouvrage : cet ennui vient de la matière ou de la forme ; c’est pourquoi je reviens à M. Boullier, mon adversaire, que j’estimai toujours pour la conformité qu’il avait avec moi. Il fit, en 1730, son Âme des bêtes[1]. Un mauvais plaisant dit à ce sujet que M. Boullier était un excellent citoyen, mais qu’il n’était pas assez instruit de l’histoire de son pays : cette plaisanterie est déplacée, comme il est prouvé dans le Journal helvétique, octobre 1739. Ensuite il donna ses admirables Pensées[2], sur les pensées qu’un homme avait données à propos des pensées d’un autre.

On sait quel bruit cet ouvrage fit dans le monde. Ce fut à cette occasion que je conçus le premier dessein de mes Pensées raisonnables. J’apprends qu’un savant de Vittemberg a écrit contre mon titre, et qu’il y trouve une double erreur. J’en ai écrit à M. Pitt, en Angleterre, et à milord Holderness ; je suis étonné qu’ils ne m’aient point fait de réponse. Je persiste dans le dessein de faire l’Encyclopédie tout seul[3] ; si M. Cahusac n’était pas mort, nous aurions été deux.

J’oubliais un article assez important, c’est la fameuse réponse de M. Pfaff, recteur de l’université de Vittemberg, au révérend père Croust[4], recteur des révérends pères jésuites de Colmar. On en a fait coup sur coup trois éditions, et tous les savants ont été partagés. J’ai pleinement éclairci cette matière, et j’ai même quatre volumes sous presse, dans lesquels j’examine ce qui m’avait échappé. Ils coûteront trois livres le tome ; c’est marché donné.

  1. L’Essai philosophique sur l’âme des bêtes, par Boullier, est de 1728 ; la nouvelle édition augmentée est de 1737. (B.)
  2. Défense des Pensées de Pascal ; voyez la note 2, tome XXII page 61.
  3. Formey avait annoncé, en 1756, le projet de faire une Encyclopédie réduite ; voyez ses Souvenirs d’un citoyen, tome II, page 169. (B.)
  4. Voyez tome XIX, page 500 ; tome XXI, page 167 ; et dans le présent volume, page 105.