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DOUTES

SUR

QUELQUES POINTS DE L’HISTOIRE DE L’EMPIRE[1]

(1753)

I.

Mundum tradidit disputationi eorum. Dieu abandonna la terre à leurs querelles. (Eccles., iii, 11.) N’est-ce pas là l’origine de toutes les dominations et de toutes les lois ? Quel était le droit de Pépin sur la France ? Quel était celui de Charlemagne sur les Saxons et sur la Lombardie ? Celui du plus fort.

On demande si Pépin donna l’exarchat de Ravenne aux papes. Qu’importe aujourd’hui qu’ils tiennent ces terres de Pépin ou d’un autre, ou de leur habileté, ou de la conjoncture des temps ? Quel droit avaient des ultramontains d’aller prendre et donner des couronnes dans l’Italie ? Il est très-vraisemblable que la donation de Pépin est une fable, comme la donation de Constantin.

Le pape Étienne III mande à Charlemagne, dans une de ses lettres, que le roi lombard Didier, qu’il avait auparavant appelé un abominable et un lépreux, lui a restitué les justices de saint Pierre, et qu’il est un très-excellent prince : or les justices de saint Pierre ne sont point l’exarchat de Ravenne. Et comment cet infidèle lépreux ou cet excellent prince aurait-il donné cette belle province, quand il n’y avait point d’armée en Italie qui le forçât à restituer au pape ce que ses pères avaient ravi aux empereurs ?

  1. Ces Doutes, auxquels l’auteur mit la date de 1753, formaient huit pages in-12, et furent distribués, en 1734, avec le second volume des Annales de l’Empire. La lettre au président Hénault, du 12 mai 1754, dit qu’ils se « trouvent à la fin du second tome ». Dans tous les exemplaires que j’ai vus, les Doutes, qui ne portent que sur des articles du premier volume, étaient reliés en tête du second. (B.)