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SERMON DES CINQUANTE.

ries sans nombre des rois de Juda et d’Israël, sur ces meurtres, sur ces attentats, toujours mêlés de contes ridicules ; ce ridicule pourtant est toujours sanguinaire, et il n’y a pas jusqu’au prophète Élisée qui ne soit barbare. Ce digne dévot fait dévorer quarante enfants par des ours, parce que ces petits innocents l’avaient appelé tête chauve. Laissons là cette nation atroce dans sa captivité de Babylone, et dans son esclavage sous les Romains, avec toutes les belles promesses de leur dieu Adonis ou Adonaï, qui avait si souvent assuré aux Juifs la domination de toute la terre. Enfin, sous le gouvernement sage des Romains, il naît un roi aux Hébreux, et ce roi, mes frères, ce silo, ce messie, vous savez qui il est : c’est celui qui, ayant d’abord été mis dans le grand nombre de ces prophètes sans mission, qui, n’ayant pas le sacerdoce, se faisaient un métier d’être inspirés, a été, au bout de quelques centuries, regardé comme un Dieu. N’allons pas plus loin ; voyons sur quels prétextes, sur quels faits, sur quels miracles, sur quelles prédictions, enfin, sur quel fondement est bâtie cette dégoûtante et abominable histoire.

DEUXIÈME POINT.

Ô mon Dieu ! si tu descendais toi-même sur la terre, si tu me commandais de croire ce tissu de meurtres, de vols, d’assassinats, d’incestes, commis par ton ordre et en ton nom, je te dirais : Non, ta sainteté ne veut pas que j’acquiesce à ces choses horribles qui t’outragent ; tu veux m’éprouver sans doute.

Comment donc, vertueux et sages auditeurs, pourrions-nous croire cette affreuse histoire sur les témoignages misérables qui nous en restent ?

Parcourons d’une manière sommaire ces livres si faussement imputés à Moïse ; je dis faussement, car il n’est pas possible que Moïse ait parlé de choses arrivées longtemps après lui, et nul de nous ne croirait que les Mémoires de Guillaume, prince d’Orange, fussent de sa main, si dans ces Mémoires il était parlé de faits arrivés après sa mort. Parcourons, dis-je, ce qu’on nous raconte sous le nom de Moïse. D’abord Dieu fait la lumière qu’il nomme jour, puis les ténèbres qu’il nomme nuit, et ce fut le premier jour. Ainsi il y eut des jours avant que le soleil fût fait.

Puis le sixième jour, Dieu fait l’homme et la femme ; mais l’auteur, oubliant que la femme était déjà faite, la tire ensuite d’une côte d’Adam. Adam et Ève sont mis dans un jardin d’où il