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SERMON DES CINQUANTE.

contes : ici, c’est l’ombre de Samuel qui paraît à la voix d’une sorcière ; là, c’est l’ombre d’un cadran (supposé que ces misérables eussent des cadrans) qui recule de dix degrés à la prière d’Ézéchias, qui demande judicieusement ce signe. Dieu lui donne le choix de faire avancer ou reculer l’heure, et le docte Ézéchias trouve qu’il n’est pas difficile de faire avancer l’ombre, mais bien de la reculer.

C’est Élie qui monte au ciel dans un char de feu ; ce sont des enfants qui chantent dans une fournaise ardente. Je n’aurais jamais fait si je voulais entrer dans le détail de toutes les extravagances inouïes dont ce livre fourmille ; jamais le sens commun ne fut attaqué avec tant d’indécence et de fureur.

Tel est, d’un bout à l’autre, cet Ancien Testament, le père du Nouveau, père qui désavoue son fils, et qui le tient pour un enfant bâtard et rebelle : car les juifs, fidèles à la loi de Moïse, regardent avec exécration le christianisme, élevé sur les ruines de cette loi. Mais les chrétiens, à force de subtilités, ont voulu justifier le Nouveau Testament par l’Ancien même. Ainsi, ces deux religions se combattent avec les mêmes armes ; elles appellent en témoignage les mêmes prophètes ; elles attestent les mêmes prédictions.

Les siècles à venir, qui auront vu passer ces cultes insensés, et qui peut-être, hélas ! en renverront d’autres non moins indignes de Dieu et des hommes, pourront-ils croire que le judaïsme et le christianisme se soient appuyés sur de tels fondements, sur ces prophéties ? Et quelles prophéties ! Écoutez : Le prophète Isaïe est appelé par le roi Achaz, roi de Juda, pour lui faire quelques prédictions, selon la coutume vaine et superstitieuse de tout l’Orient, car ces prophètes étaient, comme vous le savez, des gens qui se mêlaient de deviner pour gagner quelque chose, ainsi qu’il y en avait encore beaucoup en Europe dans le siècle passé, et surtout parmi le petit peuple. Le roi Achaz, assiégé dans Jérusalem par Salmanazar, qui avait pris Samarie, demanda donc au devin une prophétie et un signe. Isaïe lui dit : Voici le signe. « Une fille sera engrossée, elle enfantera un fils qui aura nom Emmanuel ; il mangera du beurre et du miel jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien ; et avant que cet enfant soit en cet état, la terre que tu as en détestation sera abandonnée par ses deux rois ; et l’Éternel sifflera aux mouches qui sont sur les bords des ruisseaux d’Égypte et d’Assur ; et le Seigneur prendra un rasoir de louage, et fera la barbe au roi d’Assur ; il lui rasera la tête et le poil des pieds ».