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SERMON DES CINQUANTE.

Mais ce miracle n’a rien d’étonnant ; les magiciens de Pharaon en faisaient de fort beaux, et ils en savaient presque autant que Moïse : ils changeaient comme lui une verge en serpent ; ce qui est une chose toute simple.

Si Moïse changeait les eaux en sang, ainsi faisaient les sages de Pharaon. Il faisait naître des grenouilles, et eux aussi. Mais ils furent vaincus sur l’article des poux ; les Juifs, en cette partie, en savaient plus que les autres nations.

Enfin Adonaï fait mourir chaque premier-né d’Égypte pour laisser partir son peuple à son aise, La mer se sépare pour ce peuple, c’était bien le moins qu’on pût faire en cette occasion ; tout le reste est de la même force. Ces peuples errent dans le désert. Quelques maris se plaignent de leurs femmes ; aussitôt il se trouve une eau qui fait enfler et crever toute femme qui a forfait à son honneur. Ils n’ont ni pain ni pâte ; on leur fait pleuvoir des cailles et de la manne. Leurs habits se conservent quarante ans, et croissent avec les enfants ; il descend apparemment des habits du ciel pour les enfants nouveau-nés.

Un prophète du voisinage veut maudire ce peuple, mais son ânesse s’y oppose avec un ange, et l’ânesse parle très-raisonnablement et assez longtemps au prophète.

Ce peuple attaque-t-il une ville, les murailles tombent au son des trompettes, comme Amphion en bâtissait au son de sa flûte. Mais voici le plus beau : cinq rois amorrhéens, c’est-à-dire cinq chefs de village, tâchent de s’opposer aux ravages de Josué ; ce n’est pas assez qu’ils soient vaincus et qu’on en fasse un grand carnage, le seigneur Adonaï fait pleuvoir sur les fuyards une grosse pluie de pierres. Ce n’est pas encore assez ; il échappe quelques fugitifs, et pour donner à Israël tout le temps de les poursuivre, la nature suspend ses lois éternelles : le soleil s’arrête à Gabaon, et la lune sur Aialon. Nous ne comprenons pas trop comment la lune était de la partie, mais enfin le livre de Josué ne permet pas d’en douter, et il cite, pour son garant, le livre du Droiturier. Vous remarquerez, en passant, que ce livre du Droiturier est cité dans les Paralipomènes ; c’est comme si l’on vous donnait pour authentique un livre du temps de Charles-Quint, dans lequel on citerait Puffendorf. Mais passons. De miracles en miracles nous arrivons jusqu’à Samson, représenté comme un fameux paillard, favori de Dieu ; celui-là, parce qu’il n’était pas rasé, défait mille Philistins avec une mâchoire d’âne, et attache par la queue trois cents renards qu’il trouve à point nommé.

Il n’y a presque pas une page qui ne présente de pareils