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DOUTES SUR L’HISTOIRE

avec son mari, qu’elle fut accusée d’adultère. Il est rapporté que, dans l’assemblée de Forcheim, les seigneurs statuèrent qu’un de ces frères de Louis l’Enfant serait roi, s’il ne se trouvait point d’héritier né d’un mariage légitime.

Ces mêmes seigneurs, à la mort d’Arnoud, produisirent Louis, âgé de sept ans. Il faut donc le regarder comme légitime ; il faut donc dire dans les vers techniques : « Louis, le fils d’Arnoud », et non pas : « Louis, bâtard d’Arnoud. »

IX.

L’histoire moderne, et surtout celle du moyen âge, est devenue une mer immense, pleine d’écueils, où les plus habiles se brisent. Le très-savant auteur[1] de la Méthode pour étudier l’histoire répète encore la fable de l’adultère et du supplice de Marie d’Aragon, et du miracle opéré par une comtesse de Modène, tandis que cette fable est traitée d’absurde par Struvius, et qu’elle est si bien réfutée par Muratori.

Est-il possible qu’on trouve encore dans ses Tablettes chronologiques un archevêque de Mayence mangé par des rats[2] ! Mais ce ne sont pas là aujourd’hui les plus dangereux écueils de l’histoire.

Les Grecs et les Romains écrivaient tout ce qu’ils voulaient : on n’a aucun document qui les justifie, aucun qui les réfute : on les croit sur leur parole. Mais il faut à présent s’appuyer toujours sur des pièces originales. Il est plus difficile aujourd’hui d’écrire l’histoire d’une province que de compiler toute l’histoire ancienne.

X.

C’est dans le choix de ces monuments que consiste le plus grand travail. Il n’y a que trop de matériaux à examiner, à employer, à rejeter.

Combien de fois nous a-t-on répété que le concile de Francfort, sous Charlemagne, avait mal interprété l’adoration des images, ordonnée par le second concile de Nicée ! Cependant ce concile de Francfort condamne, au chapitre ii, non-seulement l’adoration, qui est un terme équivoque, mais servitium, le service, le culte, ce qui est la chose du monde la plus claire.

Que ce concile de Francfort ait été réformé depuis ; qu’on ait introduit dans le nord de l’empire de Charlemagne une discipline différente, des usages plus conformes à la piété éclairée : ce

  1. L’abbé Lenglet-Dufresnoy. (K.)
  2. Voyez tome XIII, page 276.