Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/511

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permit à l’évêque de Beauvais de besogner dans la ville (c’est le terme dont on se servit). Il choisit pour ses assesseurs neuf docteurs de Sorbonne, avec trente-cinq autres assistants abbés ou moines. Le vicaire de l’Inquisition, Martin, présidait avec Cauchon ; et , comme il n’était que vicaire, il n’eut que la seconde place.

Il y eut quatorze interrogatoires; ils sont singuliers. Elle dit qu’elle a vu sainte Catherine et sainte Marguerite à Poitiers. Le docteur Beaupère lui demanda à quoi elle a reconnu les deux saintes : elle répond que c’est à leur manière de faire la révérence. Beaupère lui demanda si elles sont bien jaseuses: a Allez, dit-elle, le voir sur le registre-. » Beaupère lui demanda si, quand elle a vu saint Michel, il était tout nu ; elle répond: « Pensez-vous que notre Seigneur n’eût de quoi le vêtir-’? »

  • Les curieux observeront ici soigneusement que Jeanne avait été longtemps dirigée, avec quelques autres dévotes de la populace, par un fripon nommé Bichard% qui faisait des miracles, et qui apprenait à ces filles à eu faire. Il donna un jour la communion trois fois de suite à Jeanne, à l’honneur de la Trinité.

C’était alors l’usage dans les grandes affaires et dans les grands périls. Les chevaliers faisaient dire trois messes, et communiaient trois fois quand ils allaient en bonne fortune, ou quand ils s’allaient battre en duel. C’est ce qu’on a remarqué du bon chevalier Bavard.

Les faiseuses de miracles, compagnes de Jeanne*’, et soumises à frère Richard, se nommaient Pierrone et Catherine. Pierrone affirmait qu’elle avait vu que Dieu apparaissait à elle en humanité comme ami fait à ami ; Dieu était « long vêtu de robe blanche, avec huque vermeil dessous, etc.»

1. Dans la version des Questions sur l’Encyclopédie, on lisait: Jeanne subit quatorze interrogatoires.

2. Jeanne voulait parler du procès-verbal de l’examen qu’elle subit à Poitiers, avant d’être employée par le gouvernement de Charles VII, procès-verbal malheureusement perdu.

3. Elle refusa toute réponse aux questions de savoir si saint Michel tenait une balance, s’il avait des cheveux; et quand on lui demanda s’il était nu, après s’être récriée sur ce qu’on pouvait croire que Dieu n’eût pas de quoi le vêtir, elle déclara qu’il se montrait à elle sous l’apparence d’un honnête homme, in forma unius verissimi probi hominis.

4. Cet alinéa et le suivant furent ajoutés lors de la reproduction du morceau dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1770. (B.)

5. AI. Berriat Saint-Prix, dans sa Jeanne d’Arc, déjà citée, prouve, page 341 et suivantes, que les imputations contre frère Richard n’ont aucun fondement.

6. Mémoires pour servir à l’Histoire de France et de Bourgogne , tome 1". (Note de Voltaire.)