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502 ÉCLAIRCISSEMENTS HISTORIQUES.

Voilà le ridicule, voici l'horrible.

Un de ses juges, docteur en théologie et prêtre, nommé Ni- colas L'Oiseleur, vient la confesser dans la prison. Il abuse du sacrement jusqu'au point de cacher derrière un morceau de serge deux prêtres qui transcrivent la confession de Jeanne d'Arc. Ainsi les juges employèrent le sacrilège pour être homicides. Et une malheureuse idiote, qui avait eu assez de courage pour rendre de très grands services au roi et h la patrie, fut con- damnée à être brûlée par quarante-quatre prêtres français qui l'immolaient à la faction de l'Angleterre.

On sait assez comment on eut la bassesse artificieuse de mettre auprès d'elle un habit d'homme pour la tenter de reprendre cet habit, et avec quelle absurde barbarie on prétexta cette pré- tendue transgression pour la condamner aux flammes, comme si c'était dans une fille guerrière un crime digne du feu de mettre une culotte au lieu d'une jupe. Tout cela déchire le cœur, et fait frémir le sens commun. On ne conçoit pas comment nous osons, après les horreurs sans nombre dont nous avons été coupables, appeler aucun peuple du nom de barbare.

La plupart de nos historiens, plus amateurs des prétendus em- bellissements de l'histoire que de la vérité, disent que Jeanne alla au supplice avec intrépidité ; mais, comme le portent les chro- niques du temps, et comme l'avoue M. de Villaret, elle reçut son arrêt avec des cris et avec des larmes: faiblesse pardonnable à son sexe, peut-être au nôtre, et très-compatible avec le courage que cette fille avait déployé dans les dangers de la guerre; car on peut être hardi dans les combats, et sensible sur l'échafaud.

Je dois ajouter ici que plusieurs personnes ont cru, sans aucun examen, que la Pucelle d'Orléans n'avait point été brûlée à Rouen, quoique nous ayons le procès-verbal de son exécution. Elles ont été trompées par la relation que nous avons encore d'une aven- turière qui prit le nom de la Pucelle, trompa les frères de Jeanne d'Arc, et, à la faveur de cette imposture, épousa en Lorraine un gentilhomme de la maison des Armoises. Il y eut deux autres friponnes qui se firent aussi passer pour la Pucelle d'Orléans. Toutes les trois prétendirent qu'on n'avait point brûlé Jeanne, et qu'on lui avait subsfitué une autre femme; de tels contes ne peuvent être admis que par ceux qui veulent être trompés ^

��1. Los travaux de rrrudilioii iiKidoi'in' nul l'ail uulmix connailro et inioux apprécier Jeanne d'Arc. Consultez notamment les l'ioccs de condaninalioii et de réhabililalion, publics par M. J. Quichurat.

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