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oo2 REMARQUES DE L'ESSAI

des mages, et du sabéisme, plus antique encore; qu'elle allât dans l'Inde porter un coup mortel à Brama, et qu'elle s'arrêtât à peine au Gange. Dans notre Europe chrétienne, l'opinion a séparé de Rome l'empire de Russie, la Suède, la Norvège, le Danemark, l'Angleterre, les Provinces-Unies, la moitié de l'Allemagne, les trois quarts du pays helvétique.

11 y a sur la terre un exemple unique d'un vaste empire que la force a subjugué deux fois, mais que l'opinion n'a changé jamais : c'est la Chine.

Les Chinois avaient de temps immémorial la même religion, la même morale qu'aujourd'hui, tandis que les Goths, les He- rnies, les Vandales, les Francs, n'avaient guère d'autre morale que celle des brigands, qui font quelques lois pour assurer leurs usurpations.

On a prétendu, dans quelque coin de notre EuropeS que le gouvernement chinois était athée; et qui sont ceux qui ont in- tenté cette étrange accusation? Ce sont ceux-là même qui ont tant condamné Bayle pour avoir dit qu'une société d'athées pourrait subsister, qui ont tant écrit contre lui, qui ont tant crié que sa supposition était chimérique ; ils se sont donc con- tredits évidemment, ainsi que tous ceux qui écrivent avec un esprit de parti. lisse trompaient en disant qu'une société d'athées ne pouvait pas subsister, puisque les épicuriens, qui subsistèrent si longtemps, étaient une véritable société d'athées: car ne point admettre de dieu, et n'admettre que des dieux inutiles qui ne punissent ni ne récompensent, c'est précisément la même chose pour les conséquences.

Ils ne se trompaient pas moins en reprochant l'athéisme au gouvernement chinois. L'auteur de l'Essai sur les Mœurs-, etc., dit: « 11 faut être aussi inconsidérés que nous le sommes dans toutes nos disputes pour avoir osé traiter d'athée un gouvernement dont presque tous les édits parlent d'un Être suprême, père des peuples, récompensant et punissant avec justice, qui a mis entre lui et l'homme une correspondance de prières et de bienfaits, de fautes et de châtiments. »

Quelques journalistes ont aflecté de douter de ces édits ; mais ils n'ont qu'à lire le recueil des lettres des missionnaires, ils n'ont qu'à ouvrir le IIl' tome de VHistoirede la Chine, ils n'ont qu'à lire, à la page U, cette inscription : «Au vrai principe de toutes

��1. Voyez, tome XVIII, la note 1 de lu page IJJ.

2. Voyez tome XI, page 177.

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