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556 REMARQUES DE L'ESSAI

l'univers, et comme un effet nécessaire des lois éternelles et im- muables : car peut-il arriver quelque chose qui n'ait été déter- miné par le Maître de toutes choses ? Rien n'est que ce qui doit être.

Comment peut-on imaginer qu'il y ait un ordre, et que tout ne soit pas la suite de cet ordre ? Comment l'éternel géomètre, ayant fabriqué le monde, peut-il y avoir, dans son ouvrage, un seul point hors de la place assignée par cet artisan suprême? On peut dire des mots contraires à cette vérité ; mais une opi- nion contraire, c'est ce que personne ne peut avoir quand il réfléchit.

Le comte de Boulainvilliers prétend^ que Dieu suscita Mahomet pour punir les chrétiens d'Orient qui souillaient la terre de leurs querelles de religion, qui poussaient le culte des images jusqu'à la plus honteuse idolâtrie, et qui adoraient réellement Marie, mère de Jésus, beaucoup plus qu'ils n'adoraient le Saint-Esprit, qui n'avait en effet aucun temple, quoiqu'il fût la troisième per- sonne de la Trinité. Mais si Dieu voulait punir les chrétiens, il voulait donc punir aussi les Parsis, les sectateurs de Zoroastre, à qui l'histoire ne reproche en aucun temps aucun trouble civil excité par leur théologie; Dieu voulait donc punir aussi les Sa- béens : c'est lui supposer des vues partiales et particulières. Il paraît étrange d'imaginer que l'Être éternel et immuable change ses décrets généraux, qu'il s'abaisse à de petits desseins ; qu'il établisse le christianisme en Orient et eu Afrique pour le détruire; qu'il sacrifie, par une providence particulière, la religion an- noncée par son fils à une religion fausse. Ou il a changé ses lois, ce qui serait une inconstance inconcevable dans l'Être suprême, ou l'abolition du christianisme dans ces climats était une suite infaillible des lois générales.

Plusieurs autres savants hommes, et surtout M. Sale, auteur de la meilleure traduction- de VAlcoran et des meilleurs commen- taires, penchent vers l'opinion que Mahomet travailla en effet à la gloire de Dieu en détruisant le culte du soleil en Perse, et celui des étoiles en Arabie ; mais les mages n'adoraient point le soleil : ils le révéraient comme l'emblème de la Divinité, cela est hors tle doute. On n'admit réellement les deux principes en Perse que du temps de Manès, Les mages n'avaienl jamais adoré ce que nous appelons le mauvais principe : ils le regardaient précisé-

��1. Vie de M a home l, 1730, in-S". '1. Cette traduction est en anglais.

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