Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/567

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR LES MŒURS. oo7

ment comme nous regardons le diable ; c'est ce qui se voit expres- sément dans le Sadder, ancien commentaire du livre du Zoul, le plus ancien de tous les livres ; et, à tout prendre, la religion de Zoroastre valait mieux que celle de Mahomet, qui lui-même adopta plusieurs dogmes des Perses.

A l'égard des Arabes, il est vrai qu'ils rendaient un culte aux étoiles ; mais c'était certainement un culte subordonné à celui d'un Dieu suprême, créateur, conservateur, vengeur, et rémuné- rateur; on le voit par leur ancienne formule : « Dieu! je me voue à ton service; je me voue à ton service, ô Dieu! tu n'as de compagnons que ceux dont tu es le maître absolu, tu es le maître de tout ce qui existe. » L'unité de Dieu fut de temps immémorial reconnue chez les Arabes, quoiqu'ils admissent, ainsi que les Perses et les Chaldéens, un ennemi du genre humain, qu'ils nom- maient Satan ; l'unité de Dieu, et l'existence de ce Satan subor- donné à Dieu, sont le fondement du livre de Job, qui vivait cer- tainement sur les confins de l'Arabie, et que plusieurs savants croient avec raison antérieur à Moïse d'environ sept généra- tions.

Si les mahométans écrasèrent la religion des mages et des Arabes, on ne voit pas quelle gloire en revint à Dieu. Les hommes ont toujours été portés à croire Dieu glorieux, parce qu'ils le sont : car, ainsi qu'on l'a déjà dit \ ils ont fait Dieu à leur image. Tous, excepté les sages, se sont représenté Dieu comme un prince rempli de vanité, qui se sent blessé quand on ne l'appelle pas votre altesse, et qu'on ne lui donne que de l'excellence, et qui se fâche quand on fait la révérence à d'autres qu'à lui en sa pré- sence.

Le savant traducteur de VAlcoran tombe un peu dans le faible que tout traducteur a pour son auteur ; il ne s'éloigne pas de croire que Mahomet fut un fanatique de bonne foi. « Il est aisé de convenir, dit-il. qu'il put regarder comme une œuvre méri- toire d'arracher les hommes à l'idolâtrie et à la superstition, et que, par degrés, et avec le secours d'une imagination allumée, qui est le partage des Arabes, il se crut en effet destiné à réformer le monde. »

Bien des gens ne croiront pas qu'il y ait eu beaucoup de bonne foi dans un homme qui dit avoir reçu les feuilles de son livre par l'ange Gabriel, et qui prétend avoir été transporté de la Mecque à Jérusalem en une nuit, sur la jument Borac ; mais j'avoue qu'il

\. Tome XI, page 258.

�� �