SUR LES MOEURS. 539
eu plus de douze cents lieues, les perdirent par les armes. Les ca- lifes possédaient FEspagne, TAfriquc, l'Egypte, la Syrie, une partie de l'Asie Mineure, et la Perse, au vii'^ et au viir siècle, quand les papes n'étaient que des évéqucs soumis à l'exarque de Ravenne. Le titre du pape alors était vicaire de Pierre, évéque de Rome. Il était élu par le peuple assemblé, comme l'étaient tous les autres évo- ques d'Orient et d'Occident. Le clergé romain demandait la con- firmation de l'exarque en ces termes : « .\ous vous supplions, vous, chargé du ministère impérial, d'ordonner la consécration de notre père et pasteur. » II écrivait au métropolitain de Ravenne : (c Saint père, nous supplions votre béatitude d'obtenir du seigneur exarque l'ordination de celui que nous avons élu. » C'est ce qu'on voit encore dans l'ancien diurnal romain.
Il est donc constant que le pape était bien loin d'avoir aucune prétention sur la souveraineté de Rome avant Charlemagne. Si l'on prétend que Grégoire II secoua le joug de son empereur, résidant à Constantinople, qu'était-il autre chose qu'un rebelle?
Charlemagne étant devenu empereur romain, et ses succes- seurs ayant pris ce titre, il est encore évident queles papes n'étaient pas sous eux empereurs de Rome. Les Othons ne permirent cer- tainement pas que l'évêque fût souverain dans la ville qu'ils regar- daient comme la capitale de leur empire. Grégoire VII, en tenant l'empereur Henri IV pieds nus et en chemise dans son anti- chambre, à Canosse, n'osa jamais prendre le titre de souverain de Rome, sous quelque dénomination que ce pût être.
Les princes normands, conquérants de Naples, en faisaient hommage au pape; mais aucun historien n'a jamais produit aucun acte où l'on voit les rois de ^'aples faire cet hommage au pontife romain comme monarque romain: la première investiture donnée aux princes normands le fut par l'empereur Henri III, en 10^7.
La seconde investiture est d'un genre différent, et mérite la plus grande attention. Le pape Léon IX, ayant fait une espèce de croisade contre ces princes, fut battu et pris par eux ; ils traitè- rent leur captif avec beaucoup d'humanité, chose assez rare dans ces temps-là ; et le pape Léon, en levant l'excommunication qu'il avait lancée contre eux, leur accorda tout ce qu'ils avaient pris et tout ce qu'ils pourraient prendre, en quahté de fief héréditaire de saint Pierre, de sancto Petro hœreditatis feudo.
A qui Charles d'Anjou fit-il hommage lige pour Naples et Sicile? Fut-ce à la personne de Clément IV, souverain de Rome ? Non ; ce fut à l'Église romaine et aux papes canoniquement élus,
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