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560 REMARQUES DE L'ESSAI

« pro regno Sicilix et aliis terris nobis 'ah Ecdesia romana concessis; pour nos royaumes concédés par l'Église romaine ». Cet hom- mage lige était donc au fond ce qu'il était dans son origine, une oblation à saint Pierre, un acte de dévotion, dont il résulta des meurtres, des assassinats, et des empoisonnements. Le pape était alors si peu souverain de Rome que la monnaie y avait été frappée au nom de Charles d'Anjou lui-même, quand il était sénateur unique. On a encore des écus de ce temps avec cette légende : Karolus. senatus popnhisque romanus ; et sur le revers : Roma caput mundi. Il y a de pareilles monnaies frappées au nom des Co- lonnes et des Ursins ; il y a aussi des monnaies au nom des papes; mais jamais vous ne voyez sur ces pièces la souveraineté du pape exprimée : le mot domnus, dont on se servit très-rarement, était un titre honorifique que jamais aucun roi de France, d'Allemagne, d'Espagne, d'Angleterre, n'employa, si je ne me trompe; et on ne trouve ce mot domnus sur aucune monnaie des papes.

Dans les sanglantes querelles de Frédéric Barberousse avec le pape Alexandre III, jamais cet Alexandre ne se dit unique sou- verain de Rome : il avait beaucoup de terres d'une mer à l'autre; mais assurément il ne possédait pas en propre la ville où l'em- pereur avait été sacré roi des Romains.

Grégoire IX, en accusant l'empereur Frédéric II de préférer Mahomet à Jésus-Christ, le dépose à la vérité de l'empire, selon l'usage aussi insolent qu'absurde de ces temps-là; mais il n'ose se mettre à sa place, il n'ose se dire prince temporel de Rome.

Innocent IV dépose encore le même empereur dans le concile de Lyon ; mais il ne prend point Rome pour lui-même ; l'empire romain subsistait toujours, ou était censé subsister. Les papes n'osaient s'appeler rois des Romains; mais ils l'étaient autant qu'ils le pouvaient. Les empereurs étaient nommés, sacrés, re- connus roi des Romains, et ne l'étaient pas en effet. Qu'était donc Rome? Une ville où l'évêque avait un très-grand crédit, où le peuple jouissait souvent de l'autorité municipale, et où l'em- pereur n'en avait aucune que lorsqu'il y venait à main armée, comme Alaric, ou Totila, ou Arnoud, ou les Othons.

Les papes regardaient non-seulement le royaume de Naples, mais ceux de Portugal, d'Aragon, de Grenade, de Sardaigne, de Corse, de Hongrie, et surtout d'Angleterre, comme feudataires ; mais ils ne se disaient ni n'étaient les maîtres de ces pays. Ce n'était pas seulement l'opinion, la superstition qui soumettait ces royaumes au siège de Rome, c'était l'ambition. Ln prince dispu- tait une province ; il ne manquait pas d'accuser son compétiteur

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