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582 REMARQUES DE L'ESSAI

sur sa surface ; je dirais : la surface du globe est de vingt-sept millions de lieues carrées ; ôtons-en d'abord les deux tiers au moins pour les mers, rivières, lacs,' déserts, montagnes, et tout ce qui est inhabité : ce calcul est très-modéré, et nous donne neuf millions de lieues carrées à faire valoir.

La France et l'Allemagne comptent six cents personnes par lieue carrée; l'Espagne, cent soixante; la Russie, quinze; la Tar- tarie, dix-, la Chine, environ mille; prenez un nombre moyen comme cent, vous aurez neuf cents millions de vos frères, soit basanés, soit nègres, soit rouges, soit jaunes, soit barbus, soit imberbes. Il n'est pas à croire que la terre ait en efîet un si grand nombre d'habitants, et si l'on continue à faire des eunuques, à multiplier les moines, et à faire des guerres pour les plus petits in- térêts, jugez si vous aurez les quatre mille millions que les auteurs anglais de VHistoire universelle vous donnent si libéralement. Et puis, qu'importe qu'il y ait beaucoup ou peu d'hommes sur la terre? L'essentiel est que cette pauvre espèce soit le moins mal- heureuse qu'il est possible'.

XX. — DE LA DISETTE DES 150NS Ll\ ItES, ET DE LA MULTITUDE ÉNORME

DES MAUVAIS.

L'histoire est décharnée jusqu'au xvi" siècle par la disette d'historiens; elle est depuis ce temps étouffée par l'abondance. On trouve dans la Bibliothèque de Le Long dix-sept mille quatre cent quatre-vingt-sept ouvrages qui peuvent servir à la seule histoire de France"-. De ces ouvrages, il y en a qui contiennent plus de cent volumes; et depuis environ quarante ans que cette Bibliothèque fut imprimée, il a paru encore un nombre prodi- gieux de livres sur cette matière.

1. Le nombre dos hommes croît et diminue infiniment, en raison des subsis- tances, en faisant abstraction des accidents passagers ; parce qu'un homme et une femme étant en état d'avoir des enfants pendant environ vingt-cinq ans, il doit, si ces enfants sont bien nourris, y en avoir, en prenant un terme moyen, beaucoup plus de deux par ménage qui vivent assez longtemps pour établir à leur tour une génération nouvelle. Il n'est donc pas étonnant que, dans un pays où les subsistances sont très-abondantes, le nombre des hommes double à chaque génération : c'est ce qu'on a observe depuis environ un siècle dans les colonies anglaises de l'Amérique.

Cette progression s'arrôle quand les subsistances deviennent moins communes; mais comme plus il y a d'hommes, plus ils cultivent, la progression doit seule- ment diminuer lorsque la totalité des terres d'une culture peu diflicilc est mise en valeur. (K.)

2. Voyez tome XIX, la note 3 de la page 352.

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