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584 REMARQUES DE L'ESSAI

tique est l'ouvrage d'un faussaire. Comment, en effet, un ministre tel que le cardinal de Richelieu eût-il laissé au roi Louis XIII un legs si important sans qu'il eût été présenté par sa famille au monarque, sans qu'il eût été déposé dans les archives, sans qu'on en eût parlé, sans qu'on en eût la moindre connaissance? Est-il possible qu'un premier ministre eût laissé à son roi un plan de conduite, et que dans ce plan il n'y eût pas un mot sur les affaires qui intéressaient alors le roi et toute l'Europe : rien sur la maison d'Autriche, avec laquelle on était en guerre; rien sur le duc de Veimar; rien sur l'élat présent des calvinistes en France; pas un mot sur l'éducation qu'il fallait donner au dauphin.

On voit évidemment que l'ouvrage fut écrit après la paix de Munster, puisqu'on y suppose la paix faite ; et le cardinal était mort pendant la guerre. On ne répétera point ici toutes les rai- sons déjà alléguées qui vengent le cardinal de Richelieu de l'im- putation d'un si mauvais ouvrage.

Il est bon que les opinions les plus vraisemblables soient combattues, parce qu'alors on leséclaircit mieux. Tout ce qu'a pu faire un homme judicieux et éclairé S qui se crut obligé d'écrire, il y a quelques années, contre notre opinion, s'est réduit à dire: « Je pense que le plan est du cardinal, mais qu'il est possible, et même vraisemblable, qu'il n'ait ni écrit ni dicté l'ouvrage. »

S'il ne l'a écrit ni dicté, il n'est donc point de lui; et celui qui l'a signé d'une manière dont le cardinal de Richelieu ne signa jamais n'était donc qu'un faussaire. Nous n'en voulons pas davan- tage : se trompera qui voudra.

XXI. — QUESTIONS Sun l'histoire.

I. L'histoire de chaque nation ne commence-t-elle pas par des fables? Ces fables ne sont-elles pas inventées par l'oisiveté, la superstition, ou l'intérêt?

Tout ce qu'Hérodote nous conte des premiers rois d'Egypte et de Rabylone, ce qu'on nous dit de la louve de Romulus et de Rémus, ce que les premiers écrivains barbares de notre pays ont imaginé de Pharamond et de Chikléric, et d'une Razine, femme d'un Raziu de Thuringe, et d'un capitaine romain nommé Giles, élu roi de France avant qu'il y eût une France, et d'un écu coupé en deux, dont on envoya la moitié à Cbildéric pour le faire venir de Thuringe, etc., etc., etc., etc., ne sont-cepaslà des fables nées de l'oisiveté?

1. l'"oiiccinagiie ; voyez la note, tome XXUJ, paye i'27.

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