Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/595

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Les fables concernant les oracles, les divinations, les prodiges, ne sont-elles pas celles de la superstition ?

Les fables, comme la donation de Constantin au pape Sylvestre, les fausses décrétales, la dernière loi du code théodosien, ne sont-elles pas dictées par l’intérêt ?

II. On me demande quel empereur institua les sept électeurs : je réponds qu’aucun empereur ne les créa. Furent-ils donc créés par un pape ? Encore moins ; le pape n’y avait pas plus de droit que le grand-lama. Par qui furent-ils donc institués ? Par eux-mêmes. Ce sont les sept premiers officiers de la couronne impériale qui s’emparèrent au xiir siècle de ce droit négligé par les autres princes, et c’est ainsi que presque tous les droits s’établissent : les lois et les temps les confirment jusqu’à ce que d’autres temps et d’autres lois les changent.

III. On demande pourquoi les cardinaux, qui étaient originairement des curés primitifs de Rome, se crurent avec le temps supérieurs aux électeurs, à tous les princes, et égaux aux rois* : c’est demander pourquoi les hommes sont inconséquents. Je trouve, dans plusieurs histoires d’Allemagne, que le dauphin de France, qui fut depuis le roi Charles V, alla à Metz implorer vainement le secours de l’empereur Charles IV. Il fut précédé par le cardinal d’AIbe, qui était le cardinal de Périgord, arrière-vassal du roi son père ; je dis arrière-vassal, car les Anglais avaient le Périgord. Ce cardinal passa avant le dauphin, à la diète de Metz, où la seconde partie de la bulle d’or fut promulguée ; il mangea seul à une table fort élevée avec l’empereur, ob reverentiam pontificis, comme dit Trithème dans sa Chronique du monastère d’Hirsauge. Cela prouve que les princes ne doivent guère voyager hors de chez eux, et qu’un cardinal légat du pape était alors au moins la troisième personne de l’univers, et se croyait la seconde.

IV. On a écrit beaucoup sur la loi salique, sur la pairie, sur les droits du parlement ; on écrit encore tous les jours : c’est une preuve que ces origines sont fort obscures comme toutes les origines le sont. L’usage tient lieu de tout, et la force change quelquefois l’usage. Chacun allègue ses anciennes prérogatives comme des droits sacrés ; mais, si aujourd’hui le Chàtelet de Paris faisait pendre un bedeau de l’Université qui aurait volé sur le grand chemin, cette Université serait-elle bien reçue à exiger que le prévôt

1. Principibus praestant et regibus aequiparantur.

C’est Voltaire lui-même qui cite ce vers dans l'Avant-propos de son Histoire du Parlement ; voyez tome XVI, page 445.