Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ET L'ADORATEUR. 133

commettre ensemble et diviser les juges du sanhédrin, dont la moitié croyait la résurrection, et l'autre ne la croyait pas.

Voilà, je vous l'avoue, un singulier apôtre; c'est pourtant le même homme qui ose dire « qu'il a été ravi au troisième ciel, et qu'il y a entendu des paroles qu'il n'est pas permis de rapporter ». (II. Cor., chap. xii, v. 2, 4.)

Le voyage d'Astolphe ^ dans la lune est plus vraisem])lal)le , puisque le chemin est plus court. Mais pourquoi veut-il faire accroire aux imbéciles auxquels il écrit qu'il a été ravi au troi- sième cieP? C'est pour établir son autorité parmi eux; c'est pour satisfaire son ambition d'être chef de parti ; c'est pour donner du poids à ces paroles insolentes et tyranniques : « Si je viens encore une fois vers vous, je ne pardonnerai ni à ceux qui auront péché ni à tous les autres. » (II. Cor., chap. xiii, v. 2.)

Il est aisé de voir dans le galimatias de Paul qu'il conserve toujours son premier esprit persécuteur, esprit afl'reux qui n'a fait que trop de prosélytes. Je sais qu'il ne commandait qu'à des gueux ; mais c'est la passion des hommes de vouloir s'élever au- dessus de leurs semblables , et de vouloir les opprimer : c'est la passion des tyrans. Quoi! Paul, Juif, faiseur de tentes, tu oses écrire à des Corinthiens que tu puniras ceux même qui n'auront pas péché! Néron, Attila, le pape Alexandre VI, ont-ils jamais proféré de si abominables paroles ? Si Paul écrivit ainsi , il méri- tait un châtiment exemplaire. Si des faussaires ont forgé ces épîtres, ils en méritaient un plus grand.

Hélas! c'est ainsi que la plupart des sectes populaires commen- cent : un imposteur harangue la lie du peuple dans un grenier, et les imposteurs qui lui succèdent habitent bientôt des palais.

LE DOUTEUR.

Vous n'avez que trop raison ; mais, après m'avoir dit ce que TOUS pensez de ce fanatique, moitié juif, moitié chrétien, nommé Paul, que pensez-vous des anciens Juifs? l'adorateur.

Ce que les gens sensés de toutes les nations en pensent, et ce que les Juifs raisonnables en pensent eux-mêmes.

LE DOUTEUR.

Vous ne croyez donc pas que le Dieu de toute la nature ait abandonné et proscrit le reste des hommes pour se faire roi d'une misérable petite nation ? Vous ne croyez pas qu'un serpent ait

��1. Voyez le Roland furieux de l'Arioste, chant XXXIV.

2. II. Corinth., xii, 2, 4.

�� �