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134 LE DOUTEUR

parlé à une femme? que Dieu ait planté un arbre dont les fruits donnaient la connaissance du bien et du mal? que Dieu ait défondu à l'homme et à la femme de manger de ce fruit, lui qui devait plutôt leur en présenter pour leur faire connaître ce bien et ce mal, connaissance absolument nécessaire à l'espèce humaine? Vous ne croyez pas qu'il ait conduit son peuple chéri dans des déserts, et qu'il ait été obligé de leur conserver pendant quarante ans leurs vieilles sandales et leurs vieilles robes? Vous ne croyez pas qu'il ait fait des miracles, égalés par les miracles des mages de Pharaon, pour faire passer la mer à pied sec à ses enfants chéris, en larrons et en lâches, et pour les tirer miséra- blement-de l'Egypte au lieu de leur donner cette fertile Egypte?

Vous ne croyez pas qu'il ait ordonné à son peuple de mas- sacrer tout ce qu'il rencontrerait, afin de rendre ce peuple presque toujours esclave des nations? Vous ne croyez pas que l'ânesse de Balaam ait parlé? Vous ne croyez pas que Samson ait attaclié ensemble trois cents renards par la queue? Vous ne croyez pas que les habitants de Sodome aient voulu violer deux anges? Vous ne croyez pas...?

l'adorateur.

Non, sans doute, je ne crois pas ces horreurs impertinentes, l'opprobre de l'esprit humain. Je crois que les Juifs avaient des fables, ainsi que toutes les autres nations ; mais des fables beau- coup plus sottes, plus absurdes, parce qu'ils étaient les plus grossiers des Asiatiques, comme les Théljains étaient les plus grossiers des Grecs.

LE DOUTEUR.

J'avoue que la religion juive était absurde et abominable ; mais enfin Jésus, que vous aimez, était Juif : il accomplit tou- jours la loi juive ; il en observa toutes les cérémonies. l'adorateur.

C'est, encore une fois, une grande contradiction qu'il ait été Juif, et que ses disciples ne le soient pas. Je n'adopte de lui que sa morale quand elle ne se contredit point. Je ne peux souffrir qu'on lui fasse dire : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive 1; ces paroles sont affreuses. Un homme sage, encore un coup, n'a pu dire que le royaume des cieux est semblable à un grain de moutarde -, à des noces ^ à de l'argent qu'on fait valoir

��1. Saint Matthieu, ch. x, v. 34.

2. Matth., xni, 31.

3. Matth., XXII, 2.

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