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160 ARTICLES EXTRAITS

qu'on va marier, et court pour un homme qu'on va pendre; puis il donne des définitions de la beauté et du sublime. 11 connaît si bien la nature de l'un et de l'autre qu il réprouve totalement ces beaux vers d'Athalie (acte II, se. vu) :

La douceur de sa voix, son enfance, sa grâce. Font insensiblement à mon inimitié Succéder... Je serais sensible à la pitié!

Il condamne ce monologue de Mithridate (acte IV, scène v) :

Quoi! des plus chères mains craignant les trahisons, J'ai pris soin de m'armer contre tous les poisons; J'ai su, par une longue et pénible industrie, Des plus mortels venins prévenir la furie : Ah ! qu'il eût mieux valu, plus sage et plus heureux, Et repoussant les traits d'un amour dangereux, Ne pas laisser remplir d'ardeurs empoisonnées Un cœur déjà glacé par le froid des années!

Il trouve que le monologue de don Diègue, dans le Cid (acte I),

rage! ô désespoir! ô vieillesse ennemie! etc.

est un morceau déplacé et hors d œuvre dans lequel don Diègue ne dit rien de ce qu'il doit dire.

Mais, en récompense, le critique nous avertit que les mono- logues de Shakespeare « sont les seuls modèles à suivre, et qu'il ne connaît rien de si parfait ». Il en donne un bel exemple, tiré de la tragédie d'Hamlet : en voici quelques traits, traduits à peu près vers pour vers, et très-exactement (acte I, scène ii) :

HAM LE T.

Oh! si ma chair trop ferme ici pouvait se fondre.

Se dégeler, couler, se résoudre en rosée !

Oh! si l'Être éternel n'avait pas du canon

Contre le suicide!... ô ciel! ô ciel! ô ciel!

Que tout ce que je vois aujourd'hui dans le monde

Est triste, plat, pourri, sans nulle utilité !

Fi! fi! c'est un jardin plein de plantes sauvages!

Après un mois ma mère épouser mon propre oncle !

Mon père, un si bon roi!... L'autre, en comparaison,

N'était rien qu'un satyre, et mon père un soleil.

Mon père^ il m'en souvient, aimait si fort ma mère,

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