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DE LA GAZETTE LITTÉRAIRE. 171

croient à la suprématie du pape, et tous ceux qui ne croient pas à la transsubstantiation. Il a rompu avec Rome pour une femme, et il fait mourir cette même femme sur un échafaud ; il envoie ensuite une autre épouse au même supplice. La dernière prin- cesse de la maison de Plantagenet, la mère du cardinal Lapole*, est traînée sur l'écliafaud à l'âge de quatre-vingts ans : prêtres, évêques, pairs,, chanceliers, tout est sacrifié de même aux bar- bares caprices de ce fou sanguinaire. S'il eût été particulier, on l'eût enfermé et enchaîné comme un furieux ; mais parce qu'il est fils d'un Tudor usurpateur qui fut vainqueur du tyran, il ne trouve pas un seul juge qui ne s'empresse d'être l'organe de ses cruautés et le ministre de ses assassinats judiciaires.

Après la mort de ce monstre, les Anglais, qui étaient encore catholiques séparés du pape, deviennent protestants ; mais l'es- prit de persécution qui abrutissait les hommes depuis si longtemps subsiste toujours, et la coutume de venger ses querelles particu- lières par des meurtres juridiques prend encore une nouvelle force. Le duc de Somerset, protecteur d'Angleterre, fait trancher la tête au grand amiral Seymour, son propre frère ; lui-même perd bientôt la vie sur un échafaud par le jugement du duc de Northumberland, qui périt ensuite par le même supplice. L'ar- chevêque de Cantorbéry brûle des sectaires, et est brûlé à son tour. La reine Marie fait exécuter la reine Jeanne Gray et toute sa famille. La reine Marie Stuart, accusée d'être complice du meurtre de son mari, est condamnée, après dix-huit ans de captivité, à perdre la tête, par les ordres de la reine Elisabeth. Le petit-fils de la reine Marie Stuart est enfin condamné au même supplice par son peuple.

Qu'on songe au nombre prodigieux de citoyens périssant par la même mort que leurs chefs et leurs maîtres, et on verra que cette partie de l'histoire était, si on ose le dire, digne d'être écrite par le bourreau-, puisqu'il avait recueilli les dernières paroles de tant d'hommes d'État qui lui furent tous abandonnés.

Si on s'arrêtait à ces o])jets d'horreur, si on ne connaissait de l'histoire anglaise que ces guerres civiles, cette longue et san- glante anarchie, cette privation de bonnes lois, et ces horribles abus du peu de lois sages qu'on pouvait avoir alors, quel homme ne présagerait pas une décadence et une ruine certaine de

i. Ou Pôle, ou Pool, ou Polo, ou Polus.

2. Voltaire a, depuis, employé cette phrase dans le chapitre vin de la Prin- cesse de Babylone, voyez tome XXI, page 410; et l'a citée dans l'article Supplice de ses Questions sur l'Encyclopédie; voyez tome XX, page 459.

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