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bon goût dramatique en Italie, c'est la Mèrope du marquis Mafifei Ce savant homme touchait à son huitième lustre lorsqu'il lit cette tragédie. C'était le seul genre dans lequel il n'eût pas encore essayé ses forces. De toutes les passions qui meuvent le cœur humain, la tendresse maternelle lui ayant paru la plus propre cl faire une impression tout à la fois universelle et profonde, il fit choix de Thistoire de Mérope, d'après laquelle Euripide avait fait autrefois son Cresphonte. En travaillant à son plan il consulta la nature et la raison, et méprisa toutes ces lois et ces règles qui, loin de servir le talent, le rétrécissent et l'alarment, en faisant envisager la tragédie comme un ouvrage presque impossible à exécuter. La Alèropeûu marquis Maflei eut en Italie le sort qu'eut en France le Ciel de Corneille. Elle fut extrêmement applaudie, extrêmement critiquée, et, après les critiques, applaudie encore plus que jamais. Il y a dans la sixième scène du second acte de cette pièce un mot si vrai, si tendre, si sublime, que nous ne pouvons nous empêcher de le rapporter ici. M. Maffei avoue lui- même qu'il n'en est point l'auteur ; mais il ne l'a emprunté d'au- cun ouvrage ; il le doit uniquement aux grands modèles qu'il observait sans cesse en travaillant à sa tragédie, la nature et la vérité. La femme d'un noble Vénitien, ayant perdu son fils unique, s'abandonnait au désespoir ; un religieux tâchait de la consoler : « Souvenez-vous, lui disait-il, d'Abraham à qui Dieu commanda de plonger lui-même le poignard dans le sein de son fils, et qui obéit sans murmure. — Ah ! mon père, répondit-elle avec impé- tuosité. Dieu n'aurait jamais commandé ce sacrifice à une mère. » La Mérope du marquis Maffei a eu jusqu'à présent plus de cinquante éditions ; nous n'en connaissons pas de plus belle et de plus complète que celle de Vérone, 17/i5,

��XVII.

Lettre aux auteurs de la Gazette littéraire *. (20 juin 1764.)

Tous les objets des sciences sont de votre ressort ; souffrez que les chimères en soient aussi. Nil sub sole novum-, rien denou-

1. Dans les éditions de Kehl et dans toutes celles qui les ont suivies jusqu'à ce jour, cette lettre formait la section ii de l'article Somxambules et Songes du Dictionnaire philosophique. (B.) Voyez tome XX, page 433.

2. Ecclésiaste, i, 10.

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