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LETTRE D’UN QUAKER.

phète fût accomplie : Il s’appellera Nazaréen ? Et aurait-il voulu en même temps que cette parole ne se trouvât dans aucun prophète ?

On voit encore au chap. xxvii[1] : Alors s’accomplit ce qu’avait prédit Jérémie en disant : Ils ont accepté trente pièces d’argent, etc., dont il achètera le champ du potier. Cela n’est point dans Jérémie : et cette difficulté est encore admirablement bien éclaircie par notre docteur Young, qui a concilié parfaitement les deux généalogies qui semblent entièrement contradictoires. Permets que je te dise que tu devais imiter tous les grands hommes que je te cite, et qu’il valait mieux instruire tes compatriotes que de les outrager.

Tu nous aurais, à l’exemple de notre évêque de Durham, donné la véritable intelligence de la prédiction de notre Sauveur, qui annonce que dans la génération alors vivante on verra venir le Fils de l’homme dans les nuées avec une grande puissance et une grande majesté ; tu n’avais qu’à lire l’exposition de ce digne prélat : tu aurais vu dans quel sens cette grande prophétie s’est accomplie, et ton ouvrage alors eût été en effet une instruction. Mais tu examines si Boileau était un versificateur ou un poëte ; si Perrault a pris avec raison le parti des modernes ; tu parles de l’attraction ; tu tâches de décrier l’algèbre et la géométrie. Mon ami, tu devais parler de l’évangile.

Tu aurais ensuite expliqué les mystères ; tu aurais fait voir comment Jésus-Christ, ayant dit : Mon père est plus grand que moi[2], cependant il est égal à lui ; comment le Saint-Esprit, étant égal au Père et au Fils, ne peut cependant engendrer, et pourquoi, au lieu d’être engendré, il procède ; sur quels fondements l’Église grecque le crut toujours procédant du Père seul, et par quelle raison l’Église romaine le crut, au xe siècle, procédant du Père et du Fils tout ensemble.

De bonne foi, ces questions ne sont-elles pas plus importantes que ce que tu dis de Lamotte et de Terrasson, et de la Théorie de l’impôt, roman de l’Ami des hommes[3] ?

Crois-moi, lorsqu’on est superficiel et ignorant, on ne doit pas se hasarder d’écrire des pastorales.

  1. Versets 9 et 10.
  2. Jean, chapitre xiv, verset 28.
  3. La Théorie de l’impôt, 1760, in-4o, est du marquis de Mirabeau, auteur de l’Ami des hommes : voyez tome XX, page 249.