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202 ARTICLES EXTRAITS

M. Lowth s'est proposé d'examiner la poésie des Hébreux suivant les principes que les critiques ont appliqués à celle des Grecs et des Romains. Il était difficile de présenter de nouvelles idées sur un sujet qui paraît épuisé, car les beautés et les règles de la poésie ont été analysées par d'excellents écrivains de toutes les nations anciennes et modernes : cependant, malgré la difficulté de l'entreprise, il nous semble que ce savant auteur a considéré la poésie en général sous des aspects nouveaux, et qu'il a décou- vert dans les poëmes hébreux des beautés qui méritent l'attention des hommes de goût et des critiques.

Les discours qui composent cet ouvrage ont été prononcés à l'université d'Oxford, où l'auteur donne des leçons publiques sur la poésie. Le style nous a paru d'une latinité pure et élégante, mais un peu verbeux : c'est le défaut ordinaire de ces discours d'appareil, où nos latinistes modernes, pour arrondir et lier leurs périodes, énervent le discours, et noient le sens dans une multitude de paroles surabondantes.

Le premier discours traite de la fin et de l'utilité de la poésie : l'auteur examine si le but de cet art est de plaire ou d'instruire, ou d'instruire à la fois et de plaire. C'est là une de ces questions sophistiques et oiseuses qui ont fait écrire bien des pages inutiles, et qui ne formeraient pas une difficulté si elles étaient réduites à des termes clairs et précis. On se moquerait d'un homme qui demanderait si la fin de la peinture est d'instruire ou de plaire ; il en est de même de la poésie : elle est indifférente au vice et à la vertu, et peut également servir l'un et l'autre. Son but est d'at- tacher l'esprit en flattant l'imagination et foreille, soit que les idées ou les sentiments qu'elle veut exciter en nous soient bons ou mauvais, utiles ou nuisibles. Homère, en composant ses poëmes sublimes, ne s'embarrassait guère s'ils ne serviraient qu'à accréditer et à répandre des superstitions dangereuses ou absurdes ; il ne cherchait qu'à amuser ses contemporains, en leur parlant de ce qui les intéressait davantage, de leurs dieux et de leurs héros. Nous osons même dire que la poésie, par sa nature, est plus favorable au mensonge qu'à la vérité ; car son but est de tout exagérer, d'éveiller les passions, non de les calmer, et de troubler la raison plutôt que de l'éclairer. Enfin le poète qui a peint la nature physique ou morale d'une manière vraie et intéressante a rempli les conditions de son art : il n'a pas satisfait aux devoirs d'un bon citoyen, s'il n'a pas respecté les mœurs et les lois de son pays; mais ces obligations n'ont aucun rapport avec l'essence et la nature de la poésie.

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