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DE LA GAZETTE LITTÉRAIRE. 203

M. Lowth fait voir que la poésie sacrée peut être soumise aux règles de la critique; et, sans entrer dans aucune discussion théologique, il examine les poëmes des Hébreux selon ces mêmes règles; il en considère successivement le mètre, l'élocution, et la disposition.

Les savants ont toujours été partagés sur la forme de la poésie hébraïque : les uns ont pensé, après saint Jérôme, qu'elle avait des vers mesurés; d'autres ont cru qu'elle était rimée comme celle des Arabes ; d'autres ont dit qu'elle ne consistait que dans un langage plus pompeux et plus figuré. M. Lowth a adopté le sentiment de saint Jérôme, et avance que la poésie des Hébreux était en vers assujettis à une espèce de mètre fixe : c'est ce qu'il prouve assez spécieusement, en faisant remarquer plusieurs for- mules particulières aux ouvrages de poésie, et certaines altéra- tions dans la forme et l'emploi des mots que les poètes contrac- taient ou prolongeaient, sans doute pour les accommoder à la mesure et à l'harmonie. Mais quelle était cette espèce de mètre? c'est ce qu'il paraît impossible de découvrir. Comme la pronon- ciation de l'hébreu est entièrement perdue aujourd'hui, il ne reste plus aucune trace de la sorte d'harmonie que cette langue pouvait avoir.

H paraît que les premiers écrits des Hébreux étaient en vers : M. Lowth l'a fait voir à l'égard des premières parties de leur histoire et des plus anciennes prophéties. C'est ce qu'on a déjà remarqué ^ de toutes les autres nations. Les premiers ouvrages en prose des Grecs ne parurent que longtemps après Homère et Hésiode. Phérécide de Scyros chez ce peuple, et Appius Ca'cus chez les Romains, furent les premiers qui écrivirent en prose. La poésie était, dans les premiers temps, le langage sacré, le langage de la religion et des lois. Athénée nous apprend que les lois de Charondas étaient chantées dans les fêtes des Athéniens, et Tacite dit que les Germains n'avaient d'autre histoire que les chants de leurs bardes. Tous ces faits ont été déjà observés et recueillis, et il n'est pas difficile d'en rendre raison en remon- tant à l'origine de la poésie, en considérant sa nature, son objet primitif, et son union intime avec la musique dès sa naissance.

Le langage des Hébreux, comme celui de toutes les nations orientales, est remarquable par la force et la hardiesse des images et des figures ; mais il faut avouer que ce peuple n'avait aucune

��1. Tome l" du Théâtre, page 5i; et tome VIII, au chapitre ii de VEssal sur la Poésie épique; voyez aussi tome XVIII, page 5G4.

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