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DE LA GAZETTE LITTÉRAIRE. 203

cette prévention naturelle et trop familière à ceux qui se livrent entièrement à l'étude de certaine langue et de certains auteurs. En général les métaphores des poètes hébreux sont claires et frappantes, parce qu elles étaient prises dans des objets familiers qui étaient également sous les yeux du poète et des lecteurs. Elles étaient ordinairement tirées des grands objets de la nature, le soleil, la lune, les étoiles, etc ; et les poètes les employaient souvent pour désigner les revers ou la prospérité de la nation. Les poètes latins se sont servis aussi des mêmes images ; mais ils n'y ont pas mis la même force, la même chaleur de coloris. Horace n'est qu'élégant lorsqu'il dit ^ :

-Lucem redde tuae, dux bone, patriee : Instar veris enim vultus ubi tuus Affulsit populo, gratioi" it dies, Et soles melius nitent.

Les poètes juifs s'expriment avec plus d'audace et d'en- thousiasme. Ce n'est ni l'aurore, ni le printemps, ni une nuit sombre, qu'ils offrent à nos yeux : c'est le soleil et les astres qui semblent pour ainsi dire recevoir, par une création nouvelle, un éclat immense, ou qui sont prêts à retomber dans les premières ténèbres de l'antique chaos. Écoutez Isaïe annoncer au peuple choisi la faveur de Jéhovah et une prospérité sans bornes. « La lune aura l'éclat du soleil du midi^ et les rayons du soleil res- plendiront d'un feu sept fois plus vif... Ce n'est plus la lumière du soleil * qui brillera à vos yeux ; la lune ne servira plus à éclairer la nuit. Jéhovah sera pour vous une lumière éternelle, le soleil ne se couchera plus, et la lune ne retirera plus sa clarté : les jours de vos douleurs sont finis, etc. » Nous ne pouvons admirer également, comme M. Lowth, l'image suivante du même pro- phète : « La lune aura honte, et le soleil rougira, lorsque le Dieu des armées viendra régner '\ »

Les poètes hébreux excellent particulièrement à peindre avec énergie la grandeur et la majesté de Dieu, et surtout ses ven-

1. Livre IV, ode v, vers 5-8.

2. « Rendez, prince aimable, rendez la lumière à votre patrie : dès que votre visage brille aux yeux du peuple, semblable au printemps, il rend les jours plus beaux et l'éclat du soleil plus pur. » {Note de Voltaire.)

3. Isaie, xxx, 20.

4. Ibid., Lx, 19-20.

5. « Et pudebit lunam et erubescet sol meridianus, cum régnât Jehova exer- cituum » (Isaïe, cap. xxiv, vers 23). {Note de Voltaire.)

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