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238 DISCOURS AUX WELCHES,

devant des matrones respectables ; et cependant vous n'employez point d'autre expression pour signifier des choses auxquelles un cul n'a nul rapport, Jérôme Carré ^ vous a proposé le mot cV im- passe pour vos rues sans issue : ce mot est noble et significatif; cependant, à votre honte, votre Almanach royal imprime toujours que l'un de vous demeure dans le cul-de-sac de Menars, et l'autre dans le cul des Blancs-Manteaux, Fi ! n'avez-vous pas de honte ? Les Romains appelaient ces chemins sans issue angiportus; ils n'imaginaient point qu'un cul pût ressembler à une rue.

Que dirai-je du mot trou, que vous appliquez encore à tant et de si nobles usages?

Ne trouvez-vous pas que les noms de vos portes, de vos rues, de vos temples, feraient un bel effet dans un poëme épique ? On aime à voir Hector courir du temple de Pallas à la porte de Scée, L'oreille est aussi flattée que l'imagination amusée, quand les Grecs avancent de Ténédos aux rivages de Troie sur les rives du Simoïs et du Scamandre ; mais, en vérité, pourrait-on peindre vos héros partant de l'église de Saint-Pierre-aux-Bœufs, ou de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, avançant fièrement par la rue duPet- au-Diable, et par la rue Trousse-vache, s'embarquant sur la galiote de Saint-Cloud, et allant combattre dans la place de Long- j umeau ?

Vos curieux conservent des Mémoires innombrables depuis la mort de Henri II jusqu'à celle de Henri IV, Ce sont des monu- ments de grossièreté enfantés par la rage d'écrire ; c'est un amas de satires sur des événements affreux transmis à la postérité dans le langage des halles : vous n'eûtes alors qu'un bon histo- rien -, et il fut obligé d'écrire en latin.

Enfin vous avez nettoyé votre langue de cette rouille barbare et de cette crasse bourgeoise ; vous avez fait quelques bons livres ; mais avez-vous alors surpassé Cicéron et Démosthène? Avez- vous mieux écrit que Tite-Live, Tacite, Thucydide et Xénophon ? Quel auteur au-dessus du médiocre a écrit jusqu'ici vos annales ?

Sied-il bien à Daniel de dire dès la première page de son his- toire : « Ce ne fut que sous le grand Clovis que les Français se rendirent maîtres pour toujours de ces grandes provinces?» Certainement le grand Clovis ne s'en rendit pas maître pour tou- jours, puisque ses successeurs perdirent tout le pays qui s'étend de Cologne à la Franche-Comté. Ce Daniel vous dit, d'après le

��1. Dans sa veqnète A messieurs les Parisiens, -xoyez tome IV du Théâtre, page 413.

2. De Thou.

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