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SUPPLÉMENT

Alors on calcula combien de temps cet abus durerait, et l’on trouva, par l’évaluation des probabilités, que les ridicules qui ne coûtent rien augmenteraient toujours, et que les ridicules pour lesquels il faut payer diminueraient bien vite. On établit enfin qu’il y a entre les nations, comme entre les particuliers, une compensation de grandeur et de faiblesse, de science et d’ignorance, de bons et de mauvais usages, d’industrie et de nonchalance, d’esprit et d’absurdité, qui les rend toutes à la longue à peu près égales.

Le résultat de cette savante conversation fut qu’on devait donner le nom de Francs aux pillards, le nom de Welches aux pillés et aux sots, et celui de Français à tous les gens aimables.



LETTRE DE M. PANCKOUCKE[1]
À M. DE V.
Paris, 16 mai 1764.

J’ai trouvé dans le fonds de M. Lambert une partie d’édition d’un Recueil de vos Romans, en 3 volumes in-12. Ce Recueil contient Candide, Zadig, Micromégas, etc. Comme cette édition est presque consommée, je désirerais en donner une nouvelle au public, en y joignant les contes qui sont à la tête de Guillaume Vadé. J’ornerai cette édition d’estampes, de culs-de-lampes.

  1. Fréron, dans l’Année littéraire, 1764, tome VI, page 62, rapporte en ces mots le désaveu de Panckoucke, son libraire.

    « On vient d’imprimer et de publier une lettre adressée à M. de Voltaire, qu’on m’attribue, avec une réponse de cet illustre écrivain. Je déclare que je ne suis point l’auteur de cette lettre telle qu’elle est. J’en appelle au propre témoignage de M. de Voltaire, qui, certainement, n’a aucune part à cette publication. »

    Après un tel désaveu, on pourrait ne regarder que comme une facétie de Voltaire la Lettre de M. Panckoucke (telle qu’elle est), malgré sa forme épistolaire. La réponse ne serait plus dès lors une missive, et ne devrait pas appartenir à la Correspondance. Cependant les éditeurs de Kehl et tous leurs successeurs, jusqu’à ce jour (1831), l’y ont admise. Feu Decroix, dans ses notes sur les Mémoires de Wagnière, I, 222, dit que les éditeurs de Kehl (et il était l’un d’eux) n’ont imprimé la lettre de Panckoucke qu’avec son autorisation. Voilà le libraire de l’Année littéraire en contradiction avec lui-même. Ayant à choisir entre son désaveu et sa reconnaissance, je m’en tiens à sa première déclaration. Il est à remarquer que la réponse de Voltaire ne fait point partie du petit recueil intitulé Lettres de Voltaire et de J.-J. Rousseau à C.-J. Panckoucke, 1828, in-8o, publié par M. C.-L.-F. Panckoucke, fils de C.-J. : ce qui prouve, ce me semble, que cette réponse n’a point existé comme lettre. J’y ai du reste l’établi un alinéa omis dans toutes les réimpressions, et dont le ton vient à l’appui de mon opinion. ( B.)