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DU DISCOURS AUX WELCHES.

Quoique j’aie acquis, monsieur, par la cession de M. Lambert, le droit de réimprimer le Recueil de ces romans, je crois devoir vous en demander la permission, et je recevrai comme une grâce celle que vous voudrez m’accorder. Il y a bien de l’imprudence, sans doute, au libraire de l’Année littéraire de vous demander des grâces ; mais je vous ai déjà prié de croire, monsieur, que je suis bien loin d’approuver tout ce que fait M. Fréron.

Il vous a sans doute donné bien des raisons de le haïr, et cependant lui, il ne vous hait point ; personne n’a de vous une si haute estime ; personne n’a plus lu vos ouvrages, et n’en sait davantage. Ces jours derniers, dans la chaleur de la conversation, il trahissait son secret, et disait du fond de son cœur que vous étiez le plus grand homme de notre siècle. Quand il lit vos immortels ouvrages, il est ensuite obligé de se déchirer les flancs pour en dire le mal qu’il n’en pense pas ; mais vous l’avez martyrisé tout vivant par vos répliques, et ce qui doit lui être plus sensible, c’est que vous l’avez déshonoré dans la postérité ; tous vos écrits resteront. Pensez-vous, monsieur, que dans le secret il n’ait pas à gémir des rôles que vous lui faites jouer ? J’ai souvent désiré pour votre repos, pour ma satisfaction particulière et pour la tranquillité de M. Fréron, de voir la fin de ces querelles. Mais comment parler de paix dans une guerre continuelle ? Il faudrait au moins une trêve de deux mois ; et si vous daigniez prendre confiance en moi, vous verriez, monsieur, que celui que vous regardez comme votre plus cruel ennemi, que vous traitez ainsi, deviendrait de votre admirateur secret votre admirateur public, etc.


RÉPONSE DE M. DE V.
AU SIEUR PANCKOUCKE, LIBRAIRE DE L’ANNÉE LITTÉRAIRE.
Du 24 mai 1764, aux Délices.

Vous me mandez, monsieur, que vous imprimez mes romans, et je vous réponds que si j’ai fait des romans, j’en demande pardon à Dieu ; mais au moins je n’y ai jamais mis mon nom, pas plus qu’à mes autres sottises. On n’a jamais, Dieu merci, rien vu de moi contresigné et paraphé : Cortiat[1], secrétaire. Vous me

  1. Le secrétaire de Pompignan, évèque du Puy, s’appelait Cortial ; voyez note 2 de la pase 5.