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QUESTIONS PROPOSÉES. 259

plantes quand vous aurez dit : Il y a dans elles ime âme végétative qui les fait végéter? Et Thomas Diafoirus n'avait-il pas bien plus raison que vous de dire que l'opium fait dormir,

Quia est in eo Virtus sopitiva Quœ facit dormirez.

La nature pourrait-elle donc avoir plus de peine à former cette plante qui végète qu'à former encore une âme qui la fait végéter? Et faudra-t-il que la chèvre, qui hroute l'âme végétative de cette plante, ne puisse la' brouter sans avoir une âme ?

La nature, en ce cas, ne pourrait donc point, par ses propres forces, faire végéter cette plante, et la faire manger par cette chèvre, sans appeler à son secours deux âmes, dont l'une sera mangée par l'autre ?

Quand vous prononcez Vâme des animaux, qu'entendez-vous ? Pensez-vous que Dieu n'a pas eu le pouvoir de faire des êtres qui vivent, qui se meuvent, qui dorment, qui crient? Vous voyez bien qu'il a eu ce pouvoir, puisqu'il les a faits. Pensez-vous qu'il ne pouvait venir à bout de cet ouvrage sans le secours d'une âme, sans l'influence d'un être étranger, (ju'il logerait dans sa machine pour animer ce qu'il ne pouvait animer lui-même?

Le premier qui a montré ces orgues qui jouent des airs par le seul emploi des forces mouvantes a fait un très-bel ouvrage ; mais s'il avait caché dans le corps de cet instrument un homme qui eût touché l'orgue, il n'aurait été qu'un charlatan.

Ceux donc qui admettent dans les animaux un autre être intérieur qui les fait agir semblent faire réellement une injure à la toute-puissance de Dieu.

Nous faisons des automates qui se meuvent par les mécani- ques : Dieu fait des automates qui ont le sentiment. Mais, dites- vous, je ne comprends pas comment Dieu donne du sentiment et des idées à des automates. Vraiment, je le crois bien ; mais le comprendrez-vous mieux quand vous aurez prononcé ces trois lettres ame ?

Osez-vous dire aujourd'hui, avec d'anciens ignorants, que

t. Molière, dans le troisième intermède de son Malade imajinaire, fait dire par Thomas Diafoirus :

Quia est in eo "Virtus dormitiva Cujus est natura Sensus assoupire,'

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