Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/321

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religion chrétienne, la réformation qu’il professe, tous les ministres du saint Évangile, et tous les corps de l’État ? La démence ne peut plus servir d’excuse quand elle fait commettre des crimes.

Il aurait beau dire à présent : Reconnaissez ma maladie du cerveau à mes inconséquences et à mes contradictions, il n’en demeurera pas moins vrai que cette folie l’a poussé jusqu’à insulter à Jésus-Christ, jusqu’à imprimer que « l’Évangile est un livre scandaleux[1], téméraire, impie, dont la morale est d’apprendre aux enfants à renier leur mère et leurs frères, etc. » Je ne répéterai pas les autres paroles, elles font frémir. Il croit en déguiser l’horreur en les mettant dans la bouche d’un contradicteur ; mais il ne répond point à ce contradicteur imaginaire. Il n’y en a jamais eu d’assez abandonné pour faire ces infâmes objections et pour tordre si méchamment le sens naturel et divin des paraboles de notre Sauveur. Figurons-nous, ajoute-t-il, une âme infernale analysant ainsi l’Évangile. Eh ! qui l’a jamais ainsi analysé ? Où est cette âme infernale[2] ? La Métrie, dans son Homme-machine, dit qu’il a connu un dangereux athée dont il rapporte les raisonnements sans les réfuter. On voit assez qui était cet athée[3] ; il n’est pas permis assurément d’étaler de tels poisons sans présenter l’antidote.

Il est vrai que Rousseau, dans cet endroit même, se compare à Jésus-Christ avec la même humilité qu’il a dit que nous lui devions dresser une statue. On sait que cette comparaison est un des accès de sa folie. Mais une folie qui blasphème à ce point peut-elle avoir d’autre médecin que la même main qui a fait justice de ses autres scandales ?

S’il a cru préparer dans son style obscur une excuse à ses blasphèmes, en les attribuant à un délateur imaginaire, il n’en peut avoir aucune pour la manière dont il parle des miracles de notre Sauveur. Il dit nettement, sous son propre nom[4] : « Il y a des miracles dans l’Évangile qu’il n’est pas possible de prendre au pied de la lettre sans renoncer au bon sens » ; il tourne en ridicule tous les prodiges que Jésus daigna opérer pour établir la religion.

  1. Lettres écrites de la montagne, 1re partie, lettre 1re, pages 59-60 de l’édition originale. (B.)
  2. Il paraît que l’auteur de cette pièce pourrait mieux répondre que personne à sa question. Je prie le lecteur de ne pas manquer de consulter, dans l’endroit qu’il cite, ce qui précède et ce qui suit. (J.-J. R.)
  3. C’était La Métrie lui-même.
  4. Dans une note de la troisième lettre de la première partie, page 148 de l’édition originale. (B.)